Il est établi que le fondateur de l’empire assyrien fut un prince nommé sur les monuments Ninippaloukin, lequel vivait cent cinquante ans après Moïse. D’autre part, la région qui fut appelée Assyrie était désignée, du temps de Moïse, sous le nom d’empire des Rotennou, ainsi que cela résulte des monuments égyptiens, mentionnés par Oppert et autres savants; nous voyons, en effet, dans diverses inscriptions égyptiennes, que les rois de la dix-huitième dynastie d’Egypte, contemporains de Moïse, portèrent leurs armes en Babylonie et se firent payer des tributs par les Rotennou, qui dominaient dans la Mésopotamie, au pays même du Tigre et de l’Euphrate. Si Moïse était le véritable auteur de la Genèse, il aurait donc écrit: «le Tigre, fleuve qui coule au pays des Rotennou.»
Il est vrai que les tonsurés pourront toujours nous répondre:
— Le véritable auteur de la Genèse n’est pas plus Esdras que Moïse; c’est l’Esprit-Saint! Par conséquent, la Bible mentionnerait-elle même Saint-Pétersbourg et New-York, cela ne devrait pas nous paraître illogique et ne saurait aucunement nous surprendre.
Inclinons-nous donc, et reprenons la suite du sacré récit, avec un joyeux rire; car cette édifiante Genèse ne manque vraiment pas de gaîté.
Si le lecteur le veut bien, nous allons nous reporter par la pensée à ce merveilleux jardin d’Eden, où quatre grands fleuves provenant d’une seule fontaine roulent leurs eaux. Il nous semble voir Adam, se promenant dans sa propriété et se livrant aux douceurs du far-niente.
Voici quel pourrait être son monologue:
«— Je suis l’homme, et j’ai pour nom Adam; ce qui veut dire, paraît-il,
«terre rouge», attendu que j’ai été fabriqué avec de l’argile, comme une vulgaire poterie… Quel est mon âge?… Je suis né il y a cinq jours; mais, selon un vieux proverbe, on a l’âge que l’on paraît. Et voilà pourquoi je puis dire qu’en réalité je suis né à l’âge de vingt-huit ans, avec toutes mes dents… Non; pas avec toutes mes dents… Il me manque encore les dents de sagesse…Très bien constitué, hein?… Dame! comment pourrais-je ne pas être un bel individu, puisque, sauf l’âge et la barbe, je suis la fidèle copie du seigneur Jéhovah, l’être le plus épatamment chic qui existe dans l’univers?… Voyez-moi cette santé, ces bras robustes, ces jarrets d’acier, des nerfs à en revendre, et, avec ça, le teint frais… Pas le moindre rhumatisme… Je dis zut aux maladies… Je n’ai même pas à craindre la petite vérole; papa Bon Dieu m’a fabriqué tout vacciné… Aussi, ce que je me gobe!… et je n’ai pas tort…
Je me la coule douce, en ce séjour charmant… pas de concierge… aucun domestique, même… Voilà une vie heureuse!… Je vais, je viens, je cueille des fruits, tous succulents, et je m’en empiffre à ma fichue fantaisie, bravant sans danger la diarrhée… Je n’éprouve aucune fatigue, si longues que soient mes promenades, quand je me couche sur l’herbe, c’est pour mon agrément…
L’autre jour, l’aimable seigneur Jéhovah m’a offert une distraction, dont je garderai toute ma vie le joyeux souvenir… Tous les animaux de la création ont passé devant moi:
«Le nom que tu donneras à chaque animal vivant sera son nom», m’a dit le vieux Père Eternel… Comme attention, c’était gentil, ça!…