Mais l’anneau n’était pas sur l’île : il l’avait perdu, son trésor était parti. Bilbo eut froid dans le dos en entendant son cri déchirant, même s’il ne comprenait pas encore ce qui venait de se passer. Gollum avait enfin sauté à la conclusion, mais trop tard.
Ils finirent par s’arrêter devant une ouverture invisible qui menait aux portes inférieures des mines, du côté est des montagnes. Là Gollum s’accroupit, aux abois, flairant et écoutant ; et Bilbo fut tenté de le tuer avec son épée. Mais la pitié retint son bras ; et s’il de conserva l’anneau dans lequel résidait son seul espoir, il ne voulut pas s’en servir pour poignarder cette misérable créature, alors sans défense. Enfin, rassemblant tout son courage, il sauta dans le noir par-dessus Gollum et s’enfuit par le tunnel, poursuivi par les cris de haine et de désespoir de son ennemi :
Or, fait curieux, cette histoire n’est pas celle que Bilbo rapporta tout d’abord à ses compagnons. Il leur raconta en effet que Gollum avait promis de lui faire un
Gandalf, pour sa part, douta du récit de Bilbo sitôt qu’il l’entendit ; et il se montra toujours très curieux au sujet de l’anneau. Il finit par apprendre la vérité de la bouche de Bilbo, au terme de longues interrogations qui ébranlèrent leur amitié pendant un certain temps ; mais le magicien semblait attacher beaucoup d’importance à la vérité. Il ne le dit pas à Bilbo, mais il lui paraissait tout aussi troublant de constater que le bon hobbit n’avait pas dit la vérité dès le début – ce qui était tout à fait contraire à ses habitudes. Reste que l’idée d’un « cadeau » n’était pas qu’une simple fantaisie hobbitesque. Elle lui avait été suggérée, comme Bilbo le reconnut, par la conversation que tenait Gollum et que Bilbo surprit ; car Gollum appela bel et bien l’anneau son « cadeau d’anniversaire », et ce, à plusieurs reprises. Un fait qui, aux yeux de Gandalf, semblait tout aussi étrange et suspect ; mais il ne découvrit pas la vérité à ce sujet avant de nombreuses années encore, comme on le verra dans ce livre.
La suite des aventures de Bilbo ne nous concerne guère ici. Grâce à l’anneau, il échappa aux gardes orques de la porte et rejoignit ses compagnons. Il se servit de l’anneau à maintes reprises au cours de sa quête, surtout pour prêter main-forte à ses amis ; mais il leur cacha son existence aussi longtemps qu’il le put. De retour chez lui, il ne le mentionna plus jamais, sauf à Gandalf et à Frodo ; et personne d’autre dans le Comté n’en savait quoi que ce soit, ou du moins le croyait-il. Seul Frodo eut le privilège de voir le récit de Voyage qu’il était en train d’écrire.