Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

– Vous ne raisonniez pas ainsi, vous, un brave officier tout pétri d’honneur et de sentiment, mais peu soucieux de sa renommée ou de sa fortune, que là où cent autres ont amassé titres et or vous n’avez su faire que des dettes et vous amoindrir, vous ne raisonniez pas ainsi quand vous me disiez: elle est capricieuse, Andrée, elle est coquette, elle est perfide; j’aime mieux ne la point servir. Comme pratique de cette théorie, vous avez renoncé au monde, quoique vous ne vous soyez pas fait religieux, et de nous deux, celui qui est le plus près des vœux irrévocables, ce n’est pas moi qui vais les faire, c’est vous qui les avez déjà faits.

– Vous avez raison, ma sœur, et sans notre père…

– Notre père! ah! Philippe ne parlez pas ainsi, reprit Andrée avec amertume, un père ne doit il pas être le soutien de ses enfants ou accepter leur appui? C’est à ces conditions seulement qu’il est le père. Que fait le nôtre, je vous le demande? Avez-vous jamais eu l’idée de confier un secret à monsieur de Taverney? Et le croyez-vous capable de vous appeler pour vous dire un de ses secrets à lui! Non, continua Andrée avec une expression de chagrin, non, monsieur de Taverney est fait pour vivre seul en ce monde.

– Je le veux bien, Andrée, mais il n’est pas fait pour mourir seul.

Ces mots, dits avec une sévérité douce, rappelaient à la jeune femme qu’elle laissait à ses colères, à ses aigreurs, à ses rancunes contre le monde, une trop grande place dans son cœur.

– Je ne voudrais pas, répondit-elle, que vous me prissiez pour une fille sans entrailles; vous savez si je suis une sœur tendre; mais ici-bas chacun a voulu tuer en moi l’instinct sympathique qui lui correspondait. Dieu m’avait donné en naissant, comme à toute créature, une âme et un corps; de cette âme et de ce corps toute créature humaine peut disposer, pour son bonheur, en ce monde et dans l’autre. Un homme que je ne connaissais pas à pris mon âme, Balsamo. Un homme que je connaissais à peine, et qui n’était pas un homme pour moi, a pris mon corps, Gilbert. Je vous le répète, Philippe, pour être une bonne et pieuse fille, il ne me manque qu’un père. Passons à vous, examinons ce que vous a rapporté le service des grands de la terre, à vous qui les aimiez.

Philippe baissa la tête.

– Épargnez-moi, dit-il; les grands de la terre n’étaient pour moi que des créatures semblables à moi; je les aimais; Dieu nous a dit de nous aimer les uns les autres.

– Oh! Philippe, dit-elle, il n’arrive jamais sur cette terre que le cœur aimant réponde directement à qui l’aime; ceux que nous avons choisis en choisissent d’autres.

Philippe leva son front pâle et considéra longtemps sa sœur, sans autre expression que celle de l’étonnement.

– Pourquoi me dites-vous cela? Où voulez-vous en venir? demanda-t-il.

– À rien, à rien, répondit généreusement Andrée, qui recula devant l’idée de descendre à des rapports ou à des confidences. Je suis frappée, mon frère. Je crois que ma raison souffre; ne donnez à mes paroles aucune attention.

– Cependant…

Andrée s’approcha de Philippe et lui prit la main.

– Assez sur ce sujet, mon bien-aimé frère. Je suis venue vous prier de me conduire à un couvent: j’ai choisi Saint-Denis; je n’y veux pas faire de vœux, soyez tranquille. Cela viendra plus tard, s’il est nécessaire. Au lieu de chercher dans un asile ce que la plupart des femmes y veulent trouver, l’oubli, moi j’y vais demander la mémoire. Il me semble que j’ai trop oublié le Seigneur. Il est le seul roi, le seul maître, l’unique consolation, comme l’unique réel afflicteur. En me rapprochant de lui, aujourd’hui que je le comprends, j’aurai plus fait pour mon bonheur que si tout ce qu’il y a de riche, de fort, de puissant et d’aimable dans ce monde avait conspiré pour me faire une vie heureuse. À la solitude, mon frère, à la solitude, ce vestibule de la béatitude éternelle!… Dans la solitude, Dieu parle au cœur de l’homme; dans la solitude, l’homme parle au cœur de Dieu.

Philippe arrêta Andrée du geste.

– Souvenez-vous, dit-il, que je m’oppose moralement à ce dessein désespéré: vous ne m’avez pas fait juge des causes de votre désespoir.

– Désespoir! fit-elle avec un souverain mépris, vous dites désespoir! Ah! Dieu merci! je ne pars point désespérée, moi! Regretter avec désespoir! Non! non! mille fois non!

Et d’un mouvement plein d’une fierté sauvage, elle jeta sur ses épaules la mante de soie qui reposait près d’elle sur un fauteuil.

– Cet excès même de dédain manifeste en vous un état qui ne peut durer, reprit Philippe; vous ne voulez pas du mot désespoir, Andrée, acceptez le mot dépit.

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