Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Celle-ci, d’ordinaire éveillée à peine vers les onze heures, se montra dès qu’Oliva parut. On eût dit qu’elle-même guettait derrière les rideaux l’occasion de se faire voir.

Les deux femmes se saluèrent, et Jeanne, s’avançant hors de la fenêtre, regarda partout si quelqu’un pouvait l’entendre.

Nul ne parut. Non seulement la rue, mais les fenêtres des maisons étaient désertes.

Elle mit alors ses deux mains sur sa bouche en guise de porte-voix, et, de cette intonation vibrante et soutenue qui n’est pas un cri, mais qui porte plus loin que l’éclat de la voix, elle dit à Oliva:

– J’ai voulu vous rendre visite, madame.

– Chut! fit Oliva en se reculant avec effroi.

Et elle appliqua un doigt sur ses lèvres.

Jeanne, à son tour, fit le plongeon derrière ses rideaux, croyant à la présence de quelque indiscret; mais presque aussitôt elle reparut, rassurée par le sourire de Nicole.

– On ne peut donc vous voir? reprit-elle.

– Hélas! fit Oliva du geste.

– Attendez, répliqua Jeanne. Peut-on vous adresser des lettres?

– Oh! non, s’écria Oliva épouvantée.

Jeanne réfléchit quelques moments.

Oliva, pour la remercier de sa tendre sollicitude, lui envoya un charmant baiser que Jeanne rendit double; après quoi, fermant sa fenêtre, elle sortit.

Oliva se dit que l’amie avait trouvé quelque nouvelle ressource, son imagination éclatant dans son dernier regard.

Jeanne rentra en effet deux heures après; le soleil était dans toute sa force; le petit pavé de la rue brûlait comme le sable d’Espagne pendant le fuego.

Oliva vit apparaître sa voisine à sa fenêtre avec une arbalète. Jeanne, en riant, fit signe à Oliva de s’écarter.

Celle-ci obéit, en riant comme sa compagne, et se réfugia contre son volet.

Jeanne, visant avec soin, lança une petite balle de plomb, qui malheureusement, au lieu de franchir le balcon, vint heurter un des barreaux de fer et tomba dans la rue.

Oliva poussa un cri de désappointement. Jeanne, après avoir haussé les épaules avec colère, chercha un moment des yeux son projectile dans la rue, puis disparut pendant quelques minutes.

Oliva, penchée, regardait du balcon en bas; une sorte de chiffonnier passa, cherchant à droite et à gauche: vit-il ou ne vit-il pas cette balle dans le ruisseau? Oliva n’en sut rien; elle se cacha pour n’être pas vue elle-même.

Le second effort de Jeanne fut plus heureux.

Son arbalète lança fidèlement, au-delà du balcon dans la chambre de Nicole, une seconde balle, autour de laquelle était roulé un billet conçu en ces termes:

«Vous m’intéressez, toute belle dame. Je vous trouve charmante et vous aime rien qu’à vous voir. Vous êtes donc prisonnière? Savez-vous que j’ai en vain essayé de vous visiter? L’enchanteur qui vous garde à vue me laissera-t-il jamais approcher de vous pour vous dire ce que je ressens de sympathie pour une pauvre victime de la tyrannie des hommes?

«J’ai, comme vous voyez, l’imagination pour servir mes amitiés. Voulez-vous être mon amie? Il paraît que vous ne pouvez sortir, vous; mais vous pouvez écrire, sans doute, et, comme moi je sors quand je veux, attendez que je passe sous votre balcon, et jetez-moi votre réponse.

«S’il arrivait que le jeu de l’arbalète fût dangereux et qu’on le découvrît, adoptons un moyen de correspondre plus facilement. Laissez pendre du haut de votre balcon, à la brune, un peloton de fil; attachez-y votre billet. J’y attacherai le mien que vous remonterez sans être vue.

«Songez que si vos yeux ne sont pas menteurs, je compte sur un peu de cette amitié que vous m’avez inspirée, et qu’à nous deux nous vaincrons l’univers.

«Votre amie

«P.-S. Avez-vous vu quelqu’un ramasser mon premier billet?»

Jeanne ne signait pas; elle avait même complètement déguisé son écriture.

Oliva tressaillit de joie en recevant le billet. Elle y répondit par les lignes suivantes:

«Je vous aime comme vous m’aimez. Je suis en effet une victime de la méchanceté des hommes. Mais celui qui me retient ici est un protecteur, et non un tyran. Il vient me visiter secrètement une fois par jour. Je vous expliquerai tout cela plus tard. J’aime mieux le billet remonté au bout d’un fil que l’arbalète.

«Hélas! non, je ne puis sortir: je suis sous clef; mais c’est pour mon bien. Oh! que j’aurais de choses à vous dire, si j’avais jamais le bonheur de causer avec vous. Il y a tant de détails qu’on ne peut écrire!

«Votre premier billet n’a été ramassé par personne, sinon par un vilain chiffonnier qui passait; mais ces gens-là ne savent pas lire, et pour eux du plomb est du plomb.

«Votre amie,

«OLIVA LEGAY»

Oliva signait de toutes ses forces.

Elle fit à la comtesse le geste de dévider un fil; puis, attendant que le soir fût venu, elle laissa rouler la pelote en bas dans la rue.

Jeanne était sous le balcon, attrapa le fil et ôta le billet, tous mouvements que sa correspondante perçut par le moyen du fil conducteur, et elle rentra chez elle pour lire.

Une demi-heure après, elle attachait au bienheureux cordon un billet contenant ces mots:

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