Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Çà et là, dans les chemins, grêles rubans ondulant au col de ces montagnettes, dans les sentes des vignes, sur les routes blanches, se dessinaient de petits êtres vivants, paysans trottant sur leurs ânes, enfants penchés sur le champ que l’on sarcle, vigneronnes découvrant le raisin au soleil. Cette rusticité charma Nicole, qui avait toujours soupiré après la belle campagne de Taverney, depuis qu’elle avait quitté cette campagne pour ce Paris tant désiré.

Elle finit pourtant par se rassasier de la campagne, et comme elle avait pris une position commode et sûre dans ses fleurs, comme elle savait voir sans risquer d’être vue, elle abaissa ses regards de la montagne à la vallée, de l’horizon lointain aux maisons d’en face.

Partout, c’est-à-dire dans l’espace que peuvent embrasser trois maisons, Oliva trouva les fenêtres closes ou peu avenantes. Ici trois étages habités par de vieux rentiers accrochant des cages au-dehors, ou nourrissant des chats à l’intérieur; là, quatre étages dont l’Auvergnat, supérieur habitant, arrivait seul à portée de la vue, les autres locataires paraissant être absents, partis pour une campagne quelconque. Enfin, un peu sur la gauche, à la troisième maison, des rideaux de soie jaune, des fleurs, et comme pour meubler ce bien-être, un fauteuil moelleux, qui semblait près de la fenêtre attendre son rêveur ou sa rêveuse.

Oliva crut distinguer dans cette chambre, dont le soleil faisait ressortir la noire obscurité, comme une ombre ambulante à mouvements réguliers.

Elle borna là son impatience, se cacha mieux encore qu’elle n’avait fait jusque-là, et appelant sa femme de chambre, entama une conversation avec elle pour varier les plaisirs de la solitude par ceux de la société d’une créature pensante et parlante surtout.

Mais la femme de chambre fut réservée, contre toutes les traditions. Elle voulut bien expliquer à sa maîtresse Belleville, Charonne et le Père-Lachaise. Elle dit le nom des églises de Saint-Ambroise et de Saint-Laurent; elle démontra la courbe du boulevard et son inclinaison vers la rive droite de la Seine; mais quand la question tomba sur les voisins, la femme de chambre ne trouva pas une parole: elle ne les connaissait pas plus que sa maîtresse.

L’appartement clair-obscur, aux rideaux de soie jaune, ne fut pas expliqué à Oliva. Rien sur l’ombre ambulante, rien sur le fauteuil.

Si Oliva n’eut pas la satisfaction de connaître sa voisine d’avance, au moins put-elle se promettre de faire sa connaissance par elle-même. Elle renvoya la trop discrète servante pour se livrer sans témoin à son exploration.

L’occasion ne tarda pas à se présenter. Les voisins commencèrent à ouvrir leurs portes, à faire leur sieste après le repas, à s’habiller pour la promenade de la Place-Royale ou du Chemin-Vert.

Oliva les compta. Ils étaient six, bien assortis dans leur dissemblance, comme il convient à des gens qui ont choisi la rue Saint-Claude pour leur demeure.

Oliva passa une partie de la journée à voir leurs gestes, à étudier leurs habitudes. Elle les passa tous en revue, à l’exception de cette ombre agitée qui, sans montrer son visage, était venue s’ensevelir dans le fauteuil près de la fenêtre, et s’absorbait dans une immobile rêverie.

C’était une femme. Elle avait abandonné sa tête à sa coiffeuse, qui, pendant une heure et demie, avait bâti sur le crâne et les tempes un de ces édifices babyloniens dans lesquels entraient les minéraux, les végétaux, dans lesquels fussent entrés des animaux, si Léonard s’en fût mêlé, et si une femme de cette époque eût consenti à faire de sa tête une arche de Noé avec ses habitants.

Puis, cette femme coiffée, poudrée, blanche d’ajustements et de dentelles, s’était réinstallée dans son fauteuil, le col étagé par des oreillers assez durs pour que cette partie du corps soutînt l’équilibre du corps entier, et permît au monument de la chevelure de demeurer intact, sans souci des tremblements de terre qui pouvaient agiter la base.

Cette femme immobile ressemblait à ces dieux indiens calés sur leurs sièges, l’œil fixe, grâce à la fixité de la pensée, roulant seul dans son orbite. Selon les besoins du corps ou les caprices de l’esprit, sentinelle et bon serviteur actif, il faisait à lui seul tout le service de l’idole.

Oliva remarqua combien cette dame, ainsi coiffée, était jolie. Combien son pied, posé sur le bord de la fenêtre et balancé dans une petite mule de satin rose, était délicat et spirituel. Elle admira le tour du bras, et celui de la gorge qui repoussait le corset et le peignoir.

Mais ce qui la frappa par-dessus tout, ce fut cette profondeur de la pensée toujours tendue vers un but invisible et vague, pensée tellement impérieuse, qu’elle condamnait le corps tout entier à l’immobilité, qu’elle l’annihilait par sa volonté.

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