Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

– Ah! monsieur de Taverney, entrez, dit-elle en prenant le ton enjoué, entrez et faites-moi de suite bon visage. Il faut vous le confesser, j’ai une inquiétude chaque fois qu’un Taverney désire me parler. Vous êtes de mauvais augure dans votre famille. Rassurez-moi vite, monsieur de Taverney, en me disant que vous ne venez pas m’annoncer un malheur.

Philippe, plus pâle encore après ce préambule qu’il ne l’avait été pendant la scène avec Charny, se contenta de répliquer, voyant combien la reine mettait peu d’affection dans son langage:

– Madame, j’ai l’honneur d’affirmer à Votre Majesté que je ne lui apporte cette fois qu’une bonne nouvelle.

– Ah! c’est une nouvelle! dit la reine.

– Hélas! oui, Votre Majesté.

– Ah! mon Dieu! répliqua-t-elle en reprenant cet air gai qui rendait Philippe si malheureux, voilà que vous avez dit hélas! Pauvre que je suis! dirait un Espagnol. Monsieur de Taverney a dit hélas!

– Madame, reprit gravement Philippe, deux mots vont rassurer si pleinement Votre Majesté, que non seulement son noble front ne se voilera pas aujourd’hui à l’approche d’un Taverney, mais ne se voilera jamais par la faute d’un Taverney Maison-Rouge. À dater d’aujourd’hui, madame, le dernier de cette famille à qui Votre Majesté avait daigné accorder quelque faveur, va disparaître pour ne plus revenir à la cour de France.

La reine, quittant soudain l’air enjoué qu’elle avait pris comme ressource contre les émotions présumées de cette entrevue:

– Vous partez! s’écria-t-elle.

– Oui, Votre Majesté.

– Vous… aussi!

Philippe s’inclina.

– Ma sœur, madame, a déjà eu le regret de quitter Votre Majesté, dit-il; moi, j’étais bien autrement inutile à la reine, et je pars.

La reine s’assit toute troublée en réfléchissant qu’Andrée avait demandé ce congé éternel le lendemain d’une entrevue chez Louis, où monsieur de Charny avait eu le premier indice de la sympathie qu’on ressentait pour lui.

– Étrange! murmura-t-elle rêveuse, et elle n’ajouta plus un mot.

Philippe restait debout comme une statue de marbre, attendant le geste qui congédie.

La reine sortant tout à coup de sa léthargie:

– Où allez-vous? dit-elle.

– Je veux aller rejoindre monsieur de La Pérouse, dit Philippe.

– Monsieur de La Pérouse est à Terre-Neuve en ce moment.

– J’ai tout préparé pour le rejoindre.

– Vous savez qu’on lui prédit une mort affreuse?

– Affreuse, je ne sais, dit Philippe, mais prompte, je le sais.

– Et vous partez?

Il sourit avec sa beauté si noble et si douce.

– C’est pour cela que je veux aller rejoindre La Pérouse, dit-il.

La reine retomba encore une fois dans son inquiet silence.

Philippe, encore une fois, attendit respectueusement.

Cette nature si noble et si brave de Marie-Antoinette se réveilla plus téméraire que jamais.

Elle se leva, s’approcha du jeune homme, et lui dit en croisant ses bras blancs sur sa poitrine:

– Pourquoi partez-vous?

– Parce que je suis très curieux de voyager, répondit-il doucement.

– Mais vous avez déjà fait le tour du monde, reprit la reine, dupe un instant de ce calme héroïque.

– Du Nouveau Monde, oui, madame, continua Philippe, mais pas de l’ancien et du nouveau ensemble.

La reine fit un geste de dépit et répéta ce qu’elle avait dit à Andrée.

– Race de fer, cœurs d’acier que ces Taverney. Votre sœur et vous, vous êtes deux terribles gens, des amis qu’on finit par haïr. Vous partez, non pas pour voyager, vous en êtes las, mais pour me quitter. Votre sœur était, disait-elle, appelée par la religion, elle cache un cœur de feu sous de la cendre. Enfin, elle a voulu partir, elle est partie. Dieu la fasse heureuse! Vous! vous qui pourriez être heureux; vous! vous voilà parti aussi. Quand je vous disais tout à l’heure que les Taverney me portent malheur!

– Épargnez-nous, madame; si Votre Majesté daignait chercher mieux dans nos cœurs, elle n’y verrait qu’un dévouement sans limites.

– Écoutez! s’écria la reine avec colère, vous êtes, vous, un quaker, elle, une philosophe, des créatures impossibles; elle se figure le monde comme un paradis, où l’on n’entre qu’à la condition d’être des saints; vous, vous prenez le monde pour l’enfer, où n’entrent que les diables; et tous deux vous avez fui le monde: l’un, parce que vous y trouvez ce que vous ne cherchez pas; l’autre, parce que vous n’y trouvez pas ce que vous cherchez. Ai-je raison? Eh! mon cher monsieur de Taverney, laissez les humains être imparfaits, ne demandez aux familles royales que d’être les moins imparfaites des races humaines; soyez tolérant, ou plutôt ne soyez pas égoïste.

Elle accentua ces mots avec trop de passion. Philippe eut l’avantage.

– Madame, dit-il, l’égoïsme est une vertu, quand on s’en sert pour rehausser ses adorations.

Elle rougit.

– Tout ce que je sais, dit-elle, c’est que j’aimais Andrée, et qu’elle m’a quittée. C’est que je tenais à vous, et que vous me quittez. Il est humiliant pour moi de voir deux personnes aussi parfaites, je ne plaisante pas, monsieur, abandonner ma maison.

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