Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

Il écrivit, en effet; il écrivit une lettre tellement ardente, tellement folle, tellement pleine de reproches amoureux et de compromettantes protestations, que lorsqu’il eut fini, Jeanne, qui suivait sa pensée jusqu’à sa signature, se dit à elle-même:

«Il vient d’écrire ce que je n’eusse osé lui dicter.»

Le cardinal relut et dit à Jeanne:

– Est-ce bien ainsi?

– Si elle vous aime, répliqua la traîtresse, vous le verrez demain; maintenant tenez-vous en repos.

– Jusqu’à demain, oui.

– Je n’en demande pas plus, monseigneur.

Elle prit le billet cacheté, se laissa embrasser sur les yeux par monseigneur, et rentra chez elle vers le soir.

Là, déshabillée, rafraîchie, elle se mit à songer.

La situation était telle que depuis le début elle se l’était promise à elle-même.

Encore deux pas, elle touchait le but.

Lequel des deux valait-il mieux choisir pour bouclier: de la reine ou du cardinal?

Cette lettre du cardinal le mettait dans l’impossibilité d’accuser jamais madame de La Motte, le jour où elle le forcerait de rembourser les sommes dues pour le collier.

En admettant que le cardinal et la reine se vissent pour s’entendre, comment oseraient-ils perdre madame de La Motte dépositaire d’un secret aussi scandaleux.

La reine ne ferait pas d’éclat, et croirait à la haine du cardinal; le cardinal croirait à la coquetterie de la reine; mais le débat, s’il yen avait, aurait lieu à huis clos, et madame de La Motte seulement soupçonnée prendrait ce prétexte pour s’expatrier en réalisant la belle somme d’un million et demi.

Le cardinal saurait bien que Jeanne avait pris ces diamants, la reine le devinerait bien; mais à quoi leur servirait d’ébruiter une alerte si étroitement liée à celle du parc et des bains d’Apollon?

Seulement, ce n’était pas assez d’une lettre pour établir tout ce système de défense. Le cardinal avait de bonnes plumes, il écrirait sept à huit fois encore.

Quant à la reine, qui sait si dans ce moment même elle ne forgeait pas, avec monsieur de Charny, des armes pour Jeanne de La Motte!

Tant de trouble et de détours aboutissaient, comme pis-aller, à une fuite, et Jeanne échafaudait d’avance ses degrés.

D’abord l’échéance, dénonciation des joailliers. La reine allait droit à monsieur de Rohan.

Comment?

Par l’entremise de Jeanne, cela était inévitable. Jeanne prévenait le cardinal et l’invitait à payer. S’il s’y refusait, menace de publier les lettres; il payait.

Le paiement fait, plus de péril. Quant à l’éclat public, restait à vider la question d’intrigue. Sur ce point, satisfaction absolue. L’honneur d’une reine et d’un prince de l’église, au prix d’un million et demi, c’était trop bon marché, Jeanne croyait être sûre d’en avoir trois millions quand elle voudrait.

Et pourquoi Jeanne était-elle sûre de son fait quant à la question d’intrigue?

C’est que le cardinal avait la conviction d’avoir vu trois nuits de suite la reine dans les bosquets de Versailles, et que nulle puissance au monde ne prouverait au cardinal qu’il s’était trompé. C’est qu’une seule preuve existait de la supercherie, une preuve vivante, irrécusable, et que cette preuve, Jeanne allait la faire disparaître du débat.

Arrivée à ce point de sa méditation, elle s’approcha de la fenêtre, elle vit Oliva tout inquiète, toute curieuse à son balcon.

«À nous deux», pensa Jeanne, en saluant tendrement sa complice.

La comtesse fit à Oliva le signe convenu pour qu’elle descendît le soir.

Toute joyeuse après avoir reçu cette communication officielle, Oliva rentra dans sa chambre; Jeanne reprit ses méditations.

Briser l’instrument quand il ne peut plus servir, c’est l’habitude de tous les gens d’intrigue; seulement, la plupart échouent, soit en brisant cet instrument de manière à lui faire pousser un gémissement qui trahit le secret, soit en le brisant assez incomplètement pour qu’il puisse servir à d’autres.

Jeanne pensa que la petite Oliva, toute au plaisir de vivre, ne se laisserait pas briser comme il le faudrait sans pousser une plainte.

Il était nécessaire d’imaginer pour elle une fable qui la décidât à fuir; une autre qui lui permît de fuir très volontiers.

Les difficultés surgissaient à chaque pas; mais certains esprits trouvent à résoudre les difficultés autant de plaisir que certains autres à fouler des roses.

Oliva, si fort charmée qu’elle fût de la société de sa nouvelle amie, n’était charmée que relativement, c’est-à-dire qu’entrevoyant cette liaison au travers des vitres de sa prison, elle la trouvait délicieuse. Mais la sincère Nicole ne dissimulait pas à son amie qu’elle eût mieux aimé le grand jour, les promenades au soleil, toutes les réalités enfin de la vie, que ces promenades nocturnes et cette fictive royauté.

Les à-peu-près de la vie, c’étaient Jeanne, ses caresses et son intimité; la réalité de la vie, c’était de l’argent et Beausire.

Jeanne, qui avait étudié à fond cette théorie, se promit de l’appliquer à la première occasion.

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