Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

– Monsieur, dit-elle, vous avez raison: je suis condamnée. J’avais promis de prouver aujourd’hui que vous m’aviez calomniée: Dieu ne le veut pas, je m’incline.

– Madame… murmura Charny.

– J’ai fait, continua-t-elle, ce qu’aucune femme n’eût fait à ma place. Je ne parle pas des reines. Oh! monsieur, qu’est-ce qu’une reine, quand elle ne peut régner même sur un cœur? Qu’est-ce qu’une reine quand elle n’obtient pas même l’estime d’un honnête homme? Voyons, monsieur, aidez-moi au moins à me relever, pour que je parte; ne me méprisez pas au point de me refuser votre main.

Charny se précipita comme un insensé à ses genoux.

– Madame, dit-il en frappant son front sur la terre, si je n’étais un malheureux qui vous aime, vous me pardonneriez, n’est-ce pas?

– Vous! s’écria la reine avec un rire amer; vous! vous m’aimez, et vous me croyez infâme!…

– Oh!… madame.

– Vous!… vous, qui devriez avoir une mémoire, vous m’accusez d’avoir donné une fleur ici, là-bas, un baiser, là-bas, mon amour à un autre homme… monsieur, pas de mensonge, vous ne m’aimez pas!

– Madame, ce fantôme était là, ce fantôme de reine amoureuse. Là aussi où je suis, était le fantôme de l’amant. Arrachez-moi le cœur, puisque ces deux infernales images vivent dans mon cœur et le dévorent.

Elle lui prit la main et l’attira vers elle avec un geste exalté.

– Vous avez vu!… vous avez entendu… C’était bien moi, n’est-ce pas? dit-elle d’une voix étouffée… Oh! c’était moi, ne cherchez pas autre chose. Eh bien! si à cette même place, sous ce même châtaignier, assise comme j’étais, vous à mes pieds comme était l’autre, si je vous serre les mains, si je vous approche de ma poitrine, si je vous prends dans mes bras, si je vous dis: Moi qui ai fait tout cela à l’autre, n’est-ce pas? moi qui ai dit la même chose à l’autre, n’est-ce pas? Si je vous dis: Monsieur de Charny, je n’aimais, je n’aime, je n’aimerai qu’un être au monde… et c’est vous!… Mon Dieu! mon Dieu! cela suffira-t-il pour vous convaincre qu’on n’est pas une infâme quand on a dans le cœur, avec le sang des impératrices, le feu divin d’un amour comme celui-là?

Charny poussa un gémissement pareil à celui d’un homme qui expire. La reine en lui parlant l’avait enivré de son souffle; il l’avait sentie parler, sa main avait brûlé son épaule, sa poitrine avait brûlé son cœur, l’haleine avait dévoré ses lèvres.

– Laissez-moi remercier Dieu, murmura-t-il. Oh! si je ne pensais à Dieu, je penserais trop à vous.

Elle se leva lentement; elle arrêta sur lui deux yeux dont les pleurs noyaient la flamme.

– Voulez-vous ma vie? dit-il éperdu.

Elle se tut un moment sans cesser de le regarder.

– Donnez-moi votre bras, dit-elle, et menez-moi partout où les autres sont allés. D’abord ici, ici où fut donnée une rose…

Elle tira de sa robe une rose chaude encore du feu qui avait brûlé sa poitrine.

– Prenez! dit-elle.

Il respira l’odeur embaumée de la fleur, et la serra dans sa poitrine.

– Ici, reprit-elle, l’autre a donné sa main à baiser?

– Ses deux mains! dit Charny chancelant et ivre au moment où son visage se trouva enfermé dans les mains brûlantes de la reine.

– Voilà une place purifiée, dit la reine avec un adorable sourire. Maintenant, ne sont-ils pas allés aux bains d’Apollon?

Charny, comme si le ciel fût tombé sur sa tête, s’arrêta stupéfait, à demi-mort.

– C’est un endroit, dit gaiement la reine, où jamais je n’entre que le jour. Allons voir ensemble la porte par où s’enfuyait cet amant de la reine.

Joyeuse, légère, suspendue au bras de l’homme le plus heureux que Dieu eût jamais béni, elle traversa presque en courant les pelouses qui séparaient le taillis du mur de ronde. Ils arrivèrent ainsi à la porte derrière laquelle se voyaient les traces des pieds de chevaux.

– C’est ici, au-dehors, dit Charny.

– J’ai toutes les clefs, répondit la reine. Ouvrez, monsieur de Charny; instruisons-nous.

Ils sortirent et se penchèrent pour voir: la lune sortit d’un nuage comme pour les aider dans leurs investigations.

Le blanc rayon s’attacha tendrement au beau visage de la reine, qui s’appuyait sur le bras de Charny en écoutant et en regardant les buissons d’alentour.

Lorsqu’elle se fut bien convaincue, elle fit rentrer le gentilhomme, en l’attirant à elle par une douce pression.

La porte se referma sur eux.

Deux heures sonnaient.

– Adieu, dit-elle. Rentrez chez vous. À demain.

Elle lui serra la main, et, sans un mot de plus, s’éloigna rapidement sous les charmilles, dans la direction du château.

Au-delà de cette porte qu’ils venaient de refermer, un homme se leva du milieu des buissons, et disparut dans les bois qui bordent la route.

Cet homme emportait en s’en allant le secret de la reine.

<p>Chapitre 23</p><p>Le congé</p>

La reine sortit le lendemain toute souriante et toute belle pour aller à la messe.

Ses gardes avaient ordre de laisser venir à elle tout le monde. C’était un dimanche, et Sa Majesté s’éveillant avait dit:

– Voilà un beau jour; il fait bon vivre aujourd’hui.

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