Читаем Le Grec полностью

Les syllabes de son nom dévoilé firent grincer les dents du Prophète. Elles signifiaient « danger ». Quand on les prononçait devant lui, il était nu et sans défense. Il fit front frileusement :

« Vous n'avez plus confiance.

— Je n'ai jamais dit ça! On s'énerve, on parle, on dit n'importe quoi… Tout le monde peut faire une erreur…

— S'il a survécu, c'est un miracle. Les tarots… »

Les tarots!… Kallenberg songea à ses actions bradées au poids du papier chiffon! Toutefois, l'attitude de ce charlatan le décontenançait : peut-être était-il sincère? Un doute subsistait. Oui ou non, Satrapoulos avait-il failli mourir ou sa pseudo-mort n'était-elle qu'une mise en scène?

« A-t-il vraiment été mourant?

— Vous en doutez?… Savez-vous ce qu'indique la faux dans le grand jeu? »

Herman s'en foutait. Il était furieux que sa fortune, à défaut de sa ligne de chance, dût passer par des pitres pareils. De toute façon, il se vantait volontiers de ne croire ni à Dieu ni au diable, encore moins à ces foutaises d'horoscope et de cartes. C'est donc avec surprise qu'il s'entendit prononcer ces mots qui le laissèrent pantois :

« Au fait, si vous me faites un tour de tarots, parlez-moi de ma femme. Je crois bien que je veux divorcer. »

Il eut un sourire gêné et se mordit les lèvres, furieux d'avoir débité une telle ânerie. Impassible, le Prophète acquiesça avec gravité.


Le Grec reposa ses dossiers et laissa errer son regard fatigué sur les nuages qui défilaient sous les ailes de l'avion. La situation était délicate. A Baran, l'émir faisait des siennes. Depuis cinq ans environ, son autorité morale s'était réellement assise au Proche-Orient et dans le monde arabe. Les événements de Suez n'avaient pas été étrangers à cet accroissement de pouvoir. Grâce à Hadj Thami el-Sadek, qui avait largement puisé dans les caisses de ses pairs, Nasser, bien qu'étrillé sur le terrain par les Israéliens, les Anglais et les Français, avait remporté une victoire politique.

Sommé par l'émir de choisir son camp, Satrapoulos avait embrassé la cause arabe, ce qui lui avait valu d'énormes ponctions dans son capital. Il n'ignorait pas qu'en procédant ainsi il devenait un des rouages du fantastique poker politique qui se jouait sur les rivages du golfe Persique. L'opération tendait à éliminer l'Europe de la Méditerranée au profit des géants américains et soviétiques qui s'y affrontaient en champ clos, à coups de milliards, de livraison d'armes, de déclarations à l'O.N.U., de guerre froide et de barbouzes qui finissaient par ne plus savoir qui étaient leurs amis ou leurs ennemis. Bien entendu, on avait appris, « dans les milieux bien informés », que Satrapoulos — ainsi d'ailleurs que Kallenberg, Médée Mikolofides et quelques autres armateurs grecs de moindre importance, la plupart secrètement soutenus par le Phanar, cette Église orthodoxe qui grignotait peu à peu l'hégémonie du Vatican et dont tour à tour les armateurs étaient les banquiers ou les solliciteurs, avait joué la carte du monde arabe, devenant ainsi l'allié involontaire des Russes. A Washington, le State Department avait juré d'avoir la peau du Grec, commençant à lui faire subir mille brimades dont une nuée d'avocats internationaux s'employait à amortir les effets. Conséquence de la fermeture du canal, les Japonais embauchaient dans leurs chantiers navals pour construire des super-pétroliers qui achemineraient l'or noir par la voie du Cap, le Sud de l'Afrique et les océans, voie royale de Vasco de Gama qui avait fait la fortune du Portugal et de l'Angleterre avant de ruiner l'Égypte et Venise. Jusqu'à présent, la zone du canal avait été décrétée neutre. Ni les guerres ni les révolutions n'avaient pu modifier ce statut, les belligérants de tous bords ayant trop besoin du passage pour acheminer leurs navires ravi tailleurs dans leurs ports. Le plus drôle, c'est qu'Anglais et Américains, qui avaient jeté toutes leurs forces pour que le canal ne soit pas fermé, s'étaient battus ensuite pour qu'il le reste, préférant en subir les désastreuses conséquences économiques plutôt que de laisser ouvert aux Soviétiques le chemin de leurs approvisionnements pour le Vietnam. Là encore, échec : les Russes avaient pu réaliser leur rêve millénaire, implanter un empire en Méditerranée dont les bases, en Algérie, en Égypte et en Irak, se peuplaient de « conseillers », d'« experts » en tout genre, de fusées et de radars, sans parler de la menace permanente représentée par la présence chinoise en Albanie. Satrapoulos avait compris bien avant les autres — comprendre plus vite était la base de sa fortune — que Suez échapperait désormais à ceux qui l'avaient construit, les Européens.

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