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Sur les deux autres, Kallenberg avait exposé des gravures représentant les premiers navires de commerce, à l'époque où la marine à voile s'apprêtait à rendre les armes devant la machine : le Washington, paquebot en fer gréé en brick, propulsion à roues, lancé en 1865 et transformé, trois ans plus tard, en bateau à deux hélices et trois mâts. Le Lafayette, sorti des chantiers la même année, à roues lui aussi, et le Pereire, trois-mâts barque prévu à roues mais réalisé, sur cale, à une hélice, rebaptisé Lancing par les Anglais qui l'avaient acheté en 1888. Kallenberg connaissait par cœur l'histoire de chacun de ces glorieux aïeuls, leur date de naissance, leur jeunesse, leurs voyages, leur mort, vingt-cinq ou quarante ans plus tard. La gravure du Ville de Paris ne signifiait rien pour ses visiteurs, tout illustres qu'ils fussent, mais Kallenberg, lui, le voyait cingler dans le Pacifique, au rythme haletant de ses huit cents chevaux, imaginant parfaitement les tractations qui avaient présidé à sa vente, à Brème, en 1888, avant qu'il ne devienne le quatre-mâts Bischoff et ne s'échoue dans l'Elbe. Un bateau, ce n'était pas une carcasse de métal, de toile et de bois, mais quelque chose de vivant, destiné à labourer la mer éternellement, et à assurer la fortune de ceux qui l'avaient armé. Dans le fond, les navires, plus encore que les œuvres d'art, lui procuraient sa vraie jouissance, la seule en tout cas qui soit purement esthétique. Viking dans l'âme, il considérait longuement les modèles réduits de ses pétroliers, avant que les chantiers ne les construisent grandeur nature, les palpant, les caressant amoureusement, les imaginant, une fois lancés, traverser le monde et faisant flotter ses couleurs.

Un jour, en Égypte, le gros Farouk lui avait dit :

« Je suis prêt à vous racheter toute votre flotte. Mais dites-moi, que ferez-vous de l'argent? »

L'argent, oui, mais pour quoi faire? Finalement, tout tournait autour de la même question. Elle restait posée pour lui, qui pouvait tout acheter, ou pour la putain de Soho, qui n'avait qu'elle à vendre. Barbe-Bleue avait répondu d'un trait, sans réfléchir :

« J'achèterai une nouvelle flotte pour vous faire concurrence. »

Maintenant, si on lui avait demandé pourquoi il voulait toujours faire concurrence à tout le monde, il aurait été bien embarrassé. Et après? L'essentiel n'était pas de chercher à savoir « pourquoi » on courait, mais de courir, de sentir « comment » on courait. Dans sa famille, à Hambourg, on était pirate de père en fils depuis des siècles. Aussi loin qu'on remontait, on trouvait un Kallenberg debout sur un navire, à la poursuite d'une proie. Pour rompre la tradition, son père, qui sur le tard s'était piqué d'honorabilité, avait souhaité qu'il devînt diplomate; n'épargnant aucun effort pour qu'il y arrivât. Alors qu'il ne pensait qu'à la mer, Herman s'était vu exilé en Suisse, dérision dont il était le seul à goûter l'amertume. Il se lia surtout avec des fils d'émirs, des fils de banquiers, ne perdant jamais de vue son but unique, régner un jour sur les océans.

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