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C'en était trop : quand sa femme quitta la réception, abreuvée de sarcasmes et blanche d'humiliation, Barbe-Bleue fit semblant de ne pas la voir. Elle avait été longue à comprendre qu'elle devait le laisser seul, mais maintenant, il se sentait redevenir lui-même. Il huma l'air dans une attitude de défi, les mains enfin libres, parcourant l'assistance d'un coup d'œil dominateur, cherchant sur quelle femme jeter son dévolu. Il lorgna sans vergogne en direction de Melina, demoiselle d'honneur en rupture de collège britannique, mais la horde fade de jeunes gens boutonneux qui l'entouraient le fit battre en retraite, avant même d'avoir attaqué. Irène, qui observait son manège, pouvait lire comme sur un écran le cheminement de ses pensées, et leur prolongement logique : elle attendit. Elle s'était réfugiée dans le coin le plus déserté de la salle, derrière le buffet, et prodiguait des grâces molles à deux popes crasseux et trois employés fidèles trop propres, invités là par charité. Kallenberg, l'ayant enfin repérée, s'approcha d'elle en souriant — comme s'il la découvrait —, l'invita à danser et la prit par la main, sous le regard inquiet de Médée Mikolofides qui, elle non plus, n'avait rien perdu de la scène. Irène ne trouvait pas grande séduction à ce colosse blond, trop sûr de lui, parlant haut, sur un ton de commandement, mais elle avait été distinguée par lui, en public, et lui en était reconnaissante. Elle fut stupéfaite de vibrer dès qu'il la prit dans ses bras, avec une autorité et une brutalité telles qu'elle en eut le plexus envahi par une vague chaude. Elle sentait ses immenses doigts durs s'enfoncer dans la chair élastique de ses hanches, s'y attarder, en une espèce de rotation lente, sauvage et douloureuse.

A la fin de la danse, tout était joué : elle avait trouvé son maître, souhaitait qu'il le restât pour mieux lui faire payer l'émoi qu'elle venait d'éprouver. Kallenberg, de son côté, ne demandait pas mieux : comment n'y avait-il pas songé plus tôt? S'il entrait dans la famille, il aurait le double avantage de pouvoir contrôler les manigances de S.S. et les mouvements de fonds de la grosse Médée, sa belle-mère.

Les choses ne traînèrent pas. Un mois plus tard, il engageait une procédure en divorce pour la quatrième fois de sa vie. Motif : cruauté mentale. Pas la sienne, celle de l'Américaine.

Entre-temps, la « Veuve » réfléchissait sombrement à la tournure des événements. D'un côté, elle était ravie de caser sa fille aînée. D'un autre, elle craignait que ces deux loups accueillis sous son toit ne se fissent des idées sur la façon dont ils pourraient disposer de son entregent et de sa flotte. Par ailleurs, et bien qu'elle se sentît invulnérable, il n'était peut-être pas mauvais d'avoir sous la main ces fous de la génération montante, qui deviendraient un jour — elle n'en croyait pas un mot — ses concurrents. Finalement, elle opta pour cette solution politique, se promettant de ne jamais quitter de l'œil ses deux gendres, et accepta de donner Irène à Kallenberg lorsqu'elle jugea bon de lui accorder sa main. Auparavant, elle avait fait faire une enquête sévère sur Barbe-Bleue, par les mêmes limiers qui lui avaient tout révélé sur Satrapoulos, fortune, tics et manies, vices, antécédents judiciaires, origines; elle avait eu des surprises que, tout compte fait, elle saurait bien utiliser un jour à son profit. Irène, en spectatrice attentive, assistait en coulisses à ces tractations officielles, à ces virevoltes intérieures, désireuse d'affronter et de mater son futur mari dans les plus brefs délais. Elle avait dû déchanter : Kallenberg était lisse comme un œuf d'acier, sans faille, invulnérable et insensible à tout élément extérieur à lui-même. Le soir de sa nuit de noces, alors qu'elle s'apprêtait à minauder et à lui faire tirer la langue pour obtenir ce qu'il attendait, il quitta la maison et ne rentra qu'à cinq heures du matin. Entre-temps, le savant maquillage d'Irène avait tourné, sa chemise de nuit transparente avait l'air d'un vieux chiffon, et elle avait dû prendre des tranquillisants à la chaîne pour ne pas exploser de fureur.

Quand Barbe-Bleue apparut enfin, l'air triomphant et défait, elle était allongée dans une espèce de semi-inconscience. D'instinct, elle lui avait tourné le dos. Il s'était dévêtu, ne gardant que son slip, s'était laissé tomber à côté d'elle qui, maintenant, faisait semblant de dormir, et l'avait retournée d'un seul jet, en la tirant violemment par les cheveux. Irène feignit de s'éveiller et de prendre cette brutalité pour une caresse. Elle lui sourit dans la pénombre, malgré la douleur de sa chevelure crochetée par sa main d'homme des cavernes, qui lui arrachait des larmes. « Tiens, fit-elle, vous voilà… Je m'étais endormie. » Il réagit d'une façon surprenante : « Réveille-toi, salope, et montre-moi ce que tu sais faire avec ton cul. »

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