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On pouvait tout dire de Raphaël Dun, sauf qu'il n'était pas beau. Immense, svelte, les cheveux légèrement argentés, il avait une façon animale de bouger qui faisait se retourner les femmes sur lui. A trente-deux ans, il avait encore les séductions de l'adolescence, son désarroi feint et ses incertitudes, ses volte-face et sa fantaisie. Parfois, il se demandait combien de temps encore durerait la grâce. Debout et complètement nu, il s'étira devant le miroir immense qui couvrait un panneau entier de sa chambre du Ritz. Il avait toujours été fasciné par les palaces, celui surtout de la place Vendôme, à tel point que pour ne pas en être trop éloigné lorsque ses pertes au jeu ne lui laissaient pas les moyens d'y résider, il avait loué le petit studio d'un quatrième étage de la rue Cambon, juste en face du dais du Bar-Bleu. Les jours fastes, il n'avait qu'à téléphoner à la réception qui lui envoyait un chasseur pour prendre ses valises. Et lui-même, en changeant de trottoir, changeait d'univers.

Sa carte d'identité portait la mention « journaliste ». En fait, il n'était ni reporter ni photographe, bien qu'il eût tâté des deux avec des fortunes diverses. C'est peut-être pour cela qu'on le définissait comme il se définissait lui-même : grand reporter. Statut polyvalent, inodore, vaguement flatteur et passe-partout, dont l'absence de spécialisation l'avait rendu indispensable dans un milieu social hautement polyvalent lui aussi. Un milieu où le flou est de rigueur et dans lequel ne pas avouer ce qu'on sait faire, ou plutôt avouer en riant qu'on ne sait rien faire, signifie qu'on peut faire n'importe quoi.

Ralph avait bâti sa vie sur cette ambiguïté. Ses parents étaient quincailliers — il n'y a pas de sot métier, certes, mais il cachait ses origines comme une tare, par délicatesse envers ses amis, qu'une telle ascendance aurait pu choquer. Quand il se demandait lui-même comment il s'y était pris pour sortir de ce guêpier, franchement et en toute humilité, il ne trouvait pas de réponse. La chance, peut-être, et un flair infaillible pour s'accrocher à qui il fallait, quand il le fallait, tout en ne rencontrant plus ceux qui auraient pu le gêner dans ses positions acquises de fraîche date. Sa spontanéité relevait de la mathématique : chaque sourire, chaque clin d'œil ou poignée de main était dosé et soupesé avec la précision d'une balance électronique. Raph divisait le monde en deux catégories : ceux qui pouvaient le servir, et les autres. Systématiquement, il ne fréquentait que les premiers. Comme il n'était affligé d'aucun talent, en dehors de son habileté pour le poker, il s'était taillé une réputation d'arbitre très flatteuse. On disait, à propos d'un film : « Et Dun, qu'est-ce qu'il en pense? »

Et d'un peintre : « Il faudra que j'emmène Raph voir ses tableaux. »

Son port d'attache était New York, son lieu de villégiature, Acapulco, la ville de son cœur, Rome. Il était né à Paris, rue de la Folie-Regnault, dans le quartier de Charonne.

Un jour, il allait sur ses seize ans et, après avoir péniblement passé son certificat d'études, avait endossé, comme papa, la blouse grise des droguistes, un jour donc, une voiture de luxe s'était écrasée juste, devant la boutique. Pendant qu'on appelait Police secours, il était sorti pour voir l'accident de plus près. L'avant de la calandre s'était encastré sous une camionnette de légumes en livraison. Au volant, il y avait une jeune femme superbe qu'il avait reconnue tout de suite, malgré le sang qui tachait son visage : Clara Marlowe, son actrice préférée. Bouleversé, il avait voulu s'approcher davantage, mais s'était fait rudement rabrouer par un agent de la circulation qui protégeait la voiture de la foule en attendant ses collègues. Le car était arrivé, et presque simultanément, une immense ambulance, dans laquelle des infirmiers en blanc, aidés par les agents, avaient chargé le corps. D'après ce qu'on disait autour de lui, Clara Marlowe n'était que blessée, et soûle comme une grive.

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