Читаем Le Lis et le Lion полностью

Il y avait trop de cloches, de fanfares et de cris, trop de palefrois et de chiens, trop de victuailles et de breuvages, trop de princes, trop de voleurs, trop de putains, trop de luxe et trop d’or, trop de rois ! La tête en éclatait.

Le royaume se grisait de se contempler en sa puissance comme Robert d’Artois se grisait de lui-même, devant ses miroirs.

Lormet, son vieux serviteur, vêtu de neuf lui aussi, mais quand même bougon dans toute cette fête… oh ! pour peu de chose, parce que Gillet de Nelle prenait trop de place dans la maison, parce qu’on ne cessait de voir de nouveaux visages autour du maître… s’approcha de Robert et lui dit à mi-voix :

— La dame que vous attendez est là.

Le géant se retourna d’un bloc.

— Conduis-la-moi, répondit-il.

Il adressa un long clin d’œil à la comtesse sa femme, puis, à grands gestes, poussa son monde vers la porte en criant :

— Sortez tous, formez-vous en cortège dans la cour.

Il resta seul un moment, devant la fenêtre, regardant la foule massée aux abords de la cathédrale pour admirer les entrées et contenue avec peine par un cordon d’archers. Les cloches, là-haut, continuaient leur vacarme ; une odeur de gaufres chaudes montant d’un éventaire s’était mêlée à l’air, brusquement ; les rues alentour étaient pleines ; et l’on voyait à peine miroiter le canal du Hocquet tant les barques s’y touchaient.

Robert d’Artois se sentait triomphant, et il le serait davantage encore tout à l’heure, quand il s’avancerait vers son cousin Philippe, dans la cathédrale, et prononcerait certaines paroles qui ne manqueraient pas de faire trembler de surprise les rois, les ducs et barons assemblés. Et chacun ne s’en repartirait pas aussi joyeux qu’il était venu. À commencer par sa chère tante Mahaut et par le duc bourguignon.

Ah ! certes, Robert allait bien étrenner son costume de pair ! Vingt ans et plus de lutte opiniâtre recevraient ce jour leur récompense. Et pourtant, dans cette grande joie orgueilleuse qui l’habitait, il reconnaissait comme une fissure, un regret. D’où ce sentiment pouvait-il lui venir, alors que tout lui souriait, que tout se conformait à ses souhaits ? Soudain il comprit : l’odeur des gaufres. Un pair de France, qui va réclamer le comté de ses pères, ne peut descendre dans la rue, en couronne à huit fleurons, pour manger une gaufre. Un pair de France ne peut plus gueuser, se mêler à la multitude, pincer le sein des filles et, le soir, brailler entre quatre ribaudes, comme il le faisait lorsqu’il était pauvre et qu’il avait vingt ans. Cette nostalgie le rassura. « Allons, se dit-il, le sang n’est pas encore éteint ! »

La visiteuse se tenait près de la porte, intimidée, et n’osant troubler les méditations d’un seigneur coiffé d’une aussi grosse couronne.

C’était une femme d’environ trente-cinq ans, à visage triangulaire et pommettes pointues. Le chaperon rabattu d’une cape de voyage cachait à demi ses cheveux nattés, et sa respiration soulevait sa poitrine, fort ronde et pleine, sous la guimpe de lin blanc.

« Mâtin ! Il ne s’ennuyait pas, l’évêque ! » pensa Robert quand il s’aperçut de sa présence.

Elle fléchit un genou dans un geste de révérence. Il étendit sa large main gantée et chargée de rubis.

— Donnez, fit-il.

— Je ne les ai point, Monseigneur, répondit la femme.

Le visage de Robert changea d’expression.

— Comment, vous n’avez point les pièces ? s’écria-t-il. Vous m’aviez assuré que vous me les porteriez aujourd’hui !

— J’arrive du château d’Hirson, Monseigneur, où je me suis introduite le jour d’hier, en compagnie du sergent Maciot. Nous sommes allés au coffre de fer scellé dans le mur, pour l’ouvrir avec les fausses clefs.

— Et alors ?

— Il avait déjà été visité. Nous l’avons trouvé vide.

— Fort bien, belle nouvelle ! dit Robert dont les joues pâlirent un peu. Voici un grand mois que vous me lanternez. « Monseigneur, je puis vous remettre les actes qui vous rendront la possession de votre comté ! Je sais où ils sont muchés. Donnez-moi une terre et des revenus, je vous les porterai la semaine prochaine. » Et puis la semaine passe et une autre encore… « Les Hirson se tiennent au château ; je ne puis y paraître quand ils sont là. » » À présent j’y suis allée, Monseigneur, mais la clef que j’avais n’était point la bonne. Patientez un peu… » Et le jour enfin que je dois présenter les deux pièces au roi…

— Les trois, Monseigneur : le traité du mariage du comte Philippe, votre père, la lettre du comte Robert, votre grand-père, et celle de Monseigneur Thierry.

— Mieux encore ! les trois ! Vous arrivez pour me dire tout niaisement : « Je ne les ai point ; le coffre était vide ! » Et vous pensez que je vais vous croire ?

— Mais demandez au sergent Maciot qui m’accompagnait ! Ne voyez-vous pas, Monseigneur, que j’en ai encore plus grand meschef que vous ?

Un méchant soupçon passa dans le regard de Robert d’Artois qui, changeant de ton, demanda :

— Dis-moi, la Divion, ne serais-tu pas en train de me truffer ? Cherches-tu à me soutirer davantage, ou bien m’aurais-tu trahi pour Mahaut ?

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