Читаем Le Lis et le Lion полностью

— Monseigneur ! Qu’allez-vous imaginer ! s’écria la femme au bord des larmes. Quand toute la peine et le dénuement où je suis me viennent de la comtesse Mahaut qui m’a volée de tout ce que mon cher seigneur Thierry m’avait laissé par son testament ! Ah ! je lui souhaite bien autant de mal que vous pouvez le faire, à Madame Mahaut ! Pensez, Monseigneur : douze ans je fus la bonne amie de Thierry, à cause de quoi beaucoup de gens me montraient du doigt. Pourtant, un évêque, c’est un homme tout pareillement aux autres ! Mais les gens ont de la méchanceté…

La Divion recommençait son histoire que Robert avait déjà entendue au moins trois fois. Elle parlait vite ; sous des sourcils horizontaux, son regard semblait tourné en dedans comme chez les êtres qui ruminent sans cesse leurs propres affaires et ne sont attentifs à rien d’autre qu’à eux-mêmes.

Forcément, elle ne pouvait rien espérer de son mari dont elle s’était séparée pour vivre dans la maison de l’évêque Thierry. Elle reconnaissait que son mari s’était montré plutôt accommodant, peut-être parce qu’il avait, lui, cessé de bonne heure d’être un homme… Monseigneur comprenait ce qu’elle voulait dire. C’était pour la mettre à l’abri du besoin, en remerciement de toutes les bonnes années qu’elle lui avait données, que l’évêque Thierry l’avait inscrite sur son testament pour plusieurs maisons, somme en or et revenus. Mais il se méfiait de Madame Mahaut qu’il était obligé de nommer exécutrice testamentaire.

— Elle m’a toujours vue de mauvais œil, à cause de ce que j’étais plus jeune qu’elle, et qu’autrefois Thierry, c’est lui-même qui me l’a confié, avait dû passer par sa couche. Il savait bien qu’elle me jouerait méchamment quand il ne serait plus là, et que tous les Hirson, qui sont contre moi, à commencer par la Béatrice, la plus mauvaise, qui est demoiselle de parage de Mahaut, s’arrangeraient pour me chasser de la maison et me priver de tout.

Robert n’écoutait plus l’intarissable bavarde. Il avait posé sur un coffre sa lourde couronne et réfléchissait en frottant ses cheveux roux. Sa belle machination s’écroulait. « La plus petite pièce probante, mon frère, et j’autorise aussitôt l’appel des jugements de 1309 et 1318 », lui avait dit Philippe VI. « Mais comprends que je ne puis faire à moins, quelque volonté que j’aie de te servir, sans me déjuger devant Eudes de Bourgogne, avec les conséquences que tu devines. » Or ce n’était pas une petite pièce, mais des pièces massues, les actes même que Mahaut avait fait disparaître afin de capter l’héritage d’Artois, qu’il s’était targué de fournir !

— Et dans quelques minutes, dit-il, je dois être à la cathédrale, pour l’hommage.

— Quel hommage ? demanda la Divion.

— Celui du roi d’Angleterre, voyons !

— Ah ! C’est donc cela qu’il y a si grande presse dans la ville que je ne pouvais avancer.

Elle ne voyait donc rien, cette sotte, tout occupée à remâcher ses infortunes personnelles, elle ne se rendait compte ni ne s’informait de rien !

Robert se demanda s’il n’avait pas été bien léger en accordant crédit aux dires de cette femme, et si les pièces, le coffre d’Hirson, la confession de l’évêque avaient jamais existé autrement qu’en imagination. Et Maciot l’Allemant, était-il dupe lui aussi, ou bien de connivence ?

— Dites le vrai, la femme ! Jamais vous n’avez vu ces lettres.

— Mais si, Monseigneur ! s’écria la Divion pressant des deux mains ses pommettes pointues. C’était au château d’Hirson, le jour que Thierry se sentit malade, avant de se faire transporter en son hôtel d’Arras. « Ma Jeannette, je veux te prémunir contre Madame Mahaut, comme je m’en suis prémuni moi-même », il m’a dit. « Les lettres scellées qu’elle a fait retraire des registres pour dérober Monseigneur Robert, elle les croit toutes brûlées. Mais ce sont celles des registres de Paris qui sont allées au feu, devant elle. Les copies gardées aux registres d’Artois »… ce sont les propres paroles de Thierry, Monseigneur… « Je lui ai assuré les avoir fait ardoir, mais je les ai conservées ici, et j’y ai joint une lettre de moi. » Et Thierry m’a conduite au coffre caché dans un creux du mur de son cabinet, et il m’a fait lire les feuilles toutes chargées de sceaux, que même je n’en pouvais croire mes yeux ni que pareilles vilenies fussent possibles. Il y avait aussi huit cents livres en or dans le coffre. Et il m’a remis la clef au cas qu’il lui survînt malheur.

— Et lorsque vous êtes allée une première fois à Hirson…

— J’avais confondu la clef avec une autre ; je l’ai perdue, c’est sûr. Vraiment la calamité s’acharne sur moi ! Quand tout commence d’aller mal…

Et brouillonne, de plus ! Elle devait dire la vérité. On ne s’invente pas aussi bête lorsqu’on veut tromper. Robert l’aurait volontiers étranglée, si cela avait pu servir à quelque chose.

— Ma visite a dû donner l’éveil, ajouta-t-elle ; on a découvert le coffre et forcé les verrous. C’est la Béatrice, à coup sûr…

La porte s’entrouvrit et Lormet passa la tête. Robert le renvoya, d’un geste de la main.

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