La compagnie de tête prit l’allure la plus rapide qu’elle put, car il faisait toujours aussi noir, quel que fût le changement pressenti par Wídfara. Merry était ballotté derrière Dernhelm, s’accrochant de la main gauche, et s’affairant de l’autre à dégager son épée du fourreau. Les paroles du vieux roi lui revenaient à l’esprit, cuisantes de vérité :
Ils n’étaient pas à plus d’une lieue des ruines de l’enceinte extérieure. Ils y parvinrent bientôt ; trop tôt pour Merry. Des cris sauvages éclatèrent, et quelques-uns croisèrent le fer, mais ce fut bref. Les orques restés près des murs étaient peu nombreux et, pris à l’improviste, ils furent rapidement chassés ou abattus. Aux ruines de la porte nord du Rammas, le roi fit de nouveau halte. La première
Merry regarda par-dessus l’épaule de Dernhelm. Au loin, à une dizaine de milles ou plus, se voyait un grand incendie, mais les Cavaliers en étaient séparés par des barrières de flammes dressées en un vaste croissant, à moins d’une lieue de distance au point le plus rapproché. Il ne discernait guère autre chose sur la sombre plaine, et il ne percevait encore aucun signe de l’aurore, ni aucune trace de vent, changé ou non.
L’ost du Rohan entra alors en silence dans la plaine du Gondor, et elle s’y déversa, lentement mais sûrement, comme la marée à travers une digue que l’on croyait étanche. Or, l’esprit et la volonté du Noir Capitaine étaient entièrement tournés vers la cité chancelante, et pour lors, nul n’était venu l’avertir d’une quelconque faille dans ses desseins.
Quelque temps après, le roi mena ses hommes un peu à l’est, de façon à passer entre les feux du siège et les champs au pourtour. Ils ne rencontraient toujours pas d’opposition, et Théoden ne donnait toujours aucun signal. Puis il s’arrêta une fois de plus. La Cité était proche, à présent. Une odeur d’incendie était dans l’air et une véritable ombre de mort. Les chevaux étaient inquiets. Mais le roi demeurait assis, immobile, sur le dos de Snawmana ; et il contempla l’agonie de Minas Tirith, comme soudain frappé d’angoisse, ou encore de terreur. Il parut rapetisser sous le poids de la vieillesse. Merry, pour sa part, sentit l’horreur et le doute s’appesantir sur lui. Son cœur battait au ralenti. Le temps paraissait suspendu, incertain. Ils arrivaient trop tard ! Trop tard était pire que jamais ! Théoden allait peut-être flancher, courber sa vieille tête, faire demi-tour et se faufiler jusque dans les collines.
Puis tout à coup, Merry le sentit enfin, sans doute possible : un changement. Un vent soufflait sur son visage ! Une lumière commençait à poindre. Loin, très loin, les nuages apparaissaient comme des formes grises et indistinctes, s’élevant, flottant à la dérive : le matin luisait au-delà, devant eux.
Mais à ce moment-là, il y eut un éclair saisissant, comme si la foudre était sortie de terre au pied de la Cité. Pendant une seconde, elle se dressa vivement en noir et blanc, sa plus haute tour comme une aiguille coruscante ; et tandis que l’obscurité retombait, un grand
À ce bruit, la forme voûtée du roi se redressa tout à coup : il parut de nouveau grand et fier ; et, debout sur ses étriers, il cria d’une voix forte, plus claire qu’aucune voix de mortel jamais entendue par tous ceux qui étaient là :
Sur ce, il saisit un grand cor de la main de Guthláf, son porte-étendard, et il y souffla avec une telle force que la corne se rompit. Et tous les cors de l’ost furent aussitôt levés en une puissante musique ; et la sonnerie des cors du Rohan en cette heure fut comme un orage sur la plaine et un tonnerre dans les montagnes.