Les chevaliers de Dol Amroth se portèrent vers l’est, refoulant l’ennemi : les hommes-trolls, les Variags et les orques, haïssant la lumière du soleil. Éomer marcha au sud et les hommes fuirent devant lui, pris entre le marteau et l’enclume. Car sur les quais du Harlond, on sautait maintenant à bas des navires, et les hommes chargeaient en tempête vers le nord. Legolas était là, et Gimli armé de sa hache ; Halbarad portant l’étendard, et Elladan et Elrohir avec des étoiles au front ; enfin, les intraitables Dúnedain, Coureurs du Nord, à la tête d’un grand concours de valeureux du Lebennin, du Lamedon et des fiefs du Sud. Mais Aragorn venait en tête avec la Flamme de l’Ouest, Andúril tel un feu renouvelé, Narsil retournée à la forge et tout aussi mortelle qu’autrefois ; et l’Étoile d’Elendil brillait sur son front.
Éomer et Aragorn finirent donc par se rencontrer au milieu du champ de bataille ; et, s’appuyant sur leurs épées, ils s’entreregardèrent et furent heureux.
« Ainsi nous nous retrouvons, quand même les armées du Mordor se dressaient entre nous, dit Aragorn. Ne vous l’avais-je pas dit à la Ferté-au-Cor ? »
« Certes, dit Éomer ; mais l’espoir déçoit souvent, et j’ignorais alors que vous étiez doué de prescience. Mais le secours que l’on n’attendait plus est doublement béni, et jamais il n’y eut de retrouvailles plus joyeuses. » Sur quoi, ils se serrèrent la main. « Ni de plus opportunes, reprit Éomer. Vous n’arrivez pas trop tôt, mon ami. Nos pertes sont grandes et notre peine l’est tout autant. »
« Vengeons-les dans ce cas, avant d’en parler ! » dit Aragorn ; et de retour en selle, ils partirent ensemble à la bataille.
De rudes combats et un long labeur les attendaient encore ; car les Sudrons étaient des hommes hardis et implacables, et durs au désespoir ; et les Orientais, forts et aguerris, ne demandaient aucun quartier. Or donc, un peu partout, devant la grange ou la maison en cendres, sur l’éminence ou sur la butte, contre le mur ou dans les champs, ils continuaient de s’unir et de se rallier, et ils combattirent jusqu’à ce que le jour se mît à décliner.
Puis le Soleil passa enfin derrière le Mindolluin, embrasant le ciel tout entier, de sorte que les montagnes et les collines parurent teintées de sang ; le Fleuve prit la couleur du feu, et l’herbe du Pelennor s’étendait, rouge, dans le crépuscule. Alors prit fin la grande Bataille des champs du Gondor ; et dans toute l’enceinte du Rammas ne resta plus un seul ennemi vivant. Tous avaient été tués, sauf ceux qui avaient fui pour aller mourir ailleurs ou se noyer dans l’écume rouge du Fleuve. Rares sont ceux qui rentrèrent jamais dans l’Est, à Morgul ou au Mordor ; et au pays des Haradrim ne parvint qu’un récit lointain : une rumeur du courroux et de la terreur du Gondor.
Aragorn, Éomer et Imrahil revinrent à cheval vers la Porte de la Cité, recrus au-delà de toute joie ou affliction. Tous trois étaient indemnes, car telle était leur fortune et, à plus forte raison, la puissance et l’adresse de leurs armes : bien peu en vérité avaient osé les affronter ou les regarder en face à l’heure de leur courroux. Mais beaucoup d’autres avaient été blessés, mutilés ou tués sur le champ de bataille. Forlong était tombé sous les haches en combattant, seul et démonté ; et Duilin du Morthond ainsi que son frère avaient été piétinés à mort dans l’assaut contre les