De nouvelles forces de l’ennemi se pressaient sur la route venant du Fleuve, les légions de Morgul faisaient volte-face et se détournaient des murs, et les hommes de pied du Harad venaient des champs du sud avec un peloton de cavalerie à leur tête, tandis que se dressaient derrière eux les énormes dos des
La pensée traversa l’esprit de Merry : « Où est Gandalf ? N’est-il pas ici ? N’aurait-il pu sauver le roi et Éowyn ? » Mais Éomer arriva sur ces entrefaites, avec ceux des chevaliers de la maison qui n’étaient pas morts et qui, entre-temps, avaient maîtrisé leurs chevaux. Ils posèrent des yeux stupéfaits sur la carcasse de l’horrible bête qui gisait là ; et leurs coursiers ne voulurent pas s’approcher. Mais Éomer sauta à bas de sa selle, et la peine et la consternation le submergèrent lorsqu’il s’avança au côté du roi et se tint là en silence.
Puis l’un des chevaliers saisit la bannière de la main de Guthláf, le porte-étendard qui gisait mort, et il la souleva. Théoden ouvrit lentement les yeux. Apercevant la bannière, il fit signe de la remettre à Éomer.
« Salut, Roi de la Marche ! dit-il. Va maintenant à la victoire ! Fais mes adieux à Éowyn ! » Et il mourut ainsi, sans savoir qu’Éowyn gisait auprès de lui. Et ceux qui étaient là pleurèrent, criant : « Théoden Roi ! Théoden Roi ! »
Mais Éomer leur dit :
Mais lui-même pleurait en déclamant. « Que ses chevaliers demeurent ici, dit-il, et qu’ils emportent son corps dans l’honneur et le retirent du champ de bataille, afin qu’il ne soit piétiné ! Oui, et tous les autres de sa garde qui gisent ici. » Et il regarda les tués, se rappelant leurs noms. Et soudain, il vit sa sœur Éowyn étendue là, et il la reconnut. Il resta bouche bée, comme un homme saisi au milieu d’un cri, transpercé d’une flèche au cœur ; son visage prit une pâleur mortelle, et une colère froide monta en lui, si bien qu’il perdit un moment la parole. Une humeur noire s’empara de lui.
« Éowyn ! Éowyn ! cria-t-il enfin. Éowyn, que fais-tu ici ? Quelle folie ou maléfice est-ce là ? La mort, la mort, la mort ! La mort nous prenne tous ! »
Alors, sans tenir conseil ni attendre l’approche des hommes de la Cité, il piqua des deux et se lança à la tête du grand ost, sonnant du cor, appelant à l’assaut. Sa voix claire traversa la plaine, exhortant : « À la mort ! Courez, courez à la ruine et à la fin du monde ! »
Et sur ce, l’armée se mit en branle. Mais les Rohirrim ne chantaient plus.
Et Meriadoc le hobbit demeurait là, cillant au travers de ses larmes, et nul ne lui parlait ; en fait, personne ne semblait se soucier de lui. Il essuya ses larmes et se baissa, ramassant le bouclier vert qu’Éowyn lui avait offert, et il le passa derrière son épaule. Puis il chercha l’épée qui était tombée de sa main ; car au moment de frapper, son bras s’était engourdi, de sorte qu’à présent il ne pouvait plus se servir que de sa main gauche. Et voyez ! son arme gisait au sol, mais la lame fumait comme une branche sèche jetée au feu ; et comme il regardait, elle se tordit et s’émietta et fut consumée.
Ainsi finit l’épée des Coteaux des Tertres, ouvrage de l’Occidentale. Mais il eût été heureux de connaître sa destinée, celui qui l’avait patiemment forgée au temps jadis dans le Royaume du Nord, quand les Dúnedain étaient jeunes, eux dont l’ennemi premier était le terrible royaume d’Angmar et son roi-sorcier. Aucune autre lame, fût-elle en de plus puissantes mains, ne lui eût infligé une aussi cuisante blessure, fendant les chairs mortes-vivantes, rompant le charme qui soudait ses tendons invisibles à sa volonté.