Читаем Le Serment des limbes полностью

La rampe de fer s’arrêta. Je m’arrêtai avec elle. La seconde suivante, je perçus les pas des autres — beaucoup plus près. Je me tournai, comme si j’avais pu voir quoi que ce soit. Mais le monde était toujours noyé de fumée. Pourtant, tout à coup, une faille s’ouvrit dans la brume — et je vis, en effet.

Des ombres avançaient, côte à côte.

Des ombres sans visage, qui faisaient corps avec le brouillard.

Mon cœur flancha. Il y eut un moment, très court, où tout me parut perdu. La panique m’avait vaincu. Même physiquement, je n’avais plus aucune consistance. À cette seconde précise, nos attaquants auraient pu gagner mais ils furent trop lents.

Déjà, je m’étais ressaisi, dressant un plan d’attaque. Aucune raison de penser qu’ils voyaient mieux que nous. Ils se repéraient simplement au bruit de nos pas. Le seul avantage qu’ils pouvaient avoir était le nombre — et une meilleure connaissance des jardins. Mais notre handicap — le manque de visibilité — était aussi le leur.

Je devais les priver de leur seul repère : les sons. J’empoignai Manon et bondis sur le côté. Au bout de trois enjambées, je sentis les feuilles d’un buisson puis un terrain différent — gazon ou humus. Une surface tendre, absorbant les bruits.

Une autre idée, tout de suite. Profiter du silence et avancer vers nos ennemis. Ils pouvaient imaginer qu’on allait se planquer sur les bas-côtés ou derrière un arbre. Mais pas qu’on marcherait à leur rencontre !

Je remontai la pelouse, utilisant ma main libre comme une sonde, frôlant les taillis, palpant les troncs d’arbre. Les pas, à nouveau. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres, sur notre gauche. J’avançai encore. Ma main trouva un flanc d’écorce. J’attirai Manon à moi, la plaçant entre le fût et mon corps. Elle s’arrêta de bouger, de respirer, et je sentis ses cheveux glacés me frôler le visage. Les cheveux d’une morte.

Alors, il se passa quelque chose.

Les lambeaux de brume s’ouvrirent et révélèrent clairement nos ennemis. Durant une seconde, qui me parut une éternité, je pus les observer. Ils portaient des manteaux de cuir noir tout droit sortis de la Wehrmacht. De leurs manches, jaillissaient des crochets, des lames, des aiguilles. Des armes blanches comme greffées à même leurs chairs.

Ils évoquaient des blessés de guerre, qui auraient franchi une autre dimension. Des infirmes devenus à leur tour des machines à tuer. J’imaginai des membres amputés, des mains tronquées, remplacées par des dispositifs menaçants, prêts à couper, écorcher, arracher…

Ils composaient une sarabande, un carnaval d’épouvante. Un homme portait un masque à gaz, un autre celui des médecins du XVIIe siècle qui soignaient les pestiférés — long bec noir surmonté de deux trous. Un troisième marchait visage découvert, défiguré. Sa chair, blanche comme de la porcelaine de chiotte, portait des lacérations. Je sus, sans le moindre doute, qu’il s’était fait lui-même ces mutilations. Vivre pour et par le mal. La souffrance, infligée aux autres et à soi-même.

Les dents de Manon se mirent à claquer si fort que je lui plaquai la main sur la bouche. J’abandonnai toute stratégie. Fuir. N’importe où, à l’opposé de ce cauchemar. Je quittai notre planque, risquai un coup d’œil circulaire puis saisis la main de Manon. Elle me retint et me frôla la joue. Je me retournai pour la réconforter d’un regard mais ce n’était pas elle qui m’avait touché.

À sa place, un tueur serrait mes doigts et me caressait lentement le visage avec un croc de métal, comme pour en éprouver la tendresse.

La fraction de seconde explosa en mille détails superposés. Je vis tout. Ses cheveux longs. Ses cicatrices. L’appareil respiratoire qui lui traversait la face, là où un trou remplaçait le nez. Je vis son bras se lever. Au bout, le crochet relié à un dispositif de câbles.

La griffe siffla dans la vapeur. Je m’engloutis dans le nuage pour esquiver le coup. Une douleur me traversa, partant de l’épaule pour exploser sous mes côtes. Je lâchai mon automatique. Un goût de fer inonda ma bouche.

La lame s’éleva de nouveau, me rata et s’enfouit dans les feuillages. Sans comprendre ce que je faisais — je n’étais plus qu’irradiation de douleur —, je fonçai sur le crochet et l’écrasai avec mon épaule blessée, entraînant le tueur dans ma chute. Niant le sang et la brûlure qui fusaient de mon corps, j’attrapai à deux mains son poignet, plaçai mon genou dessus et retournai l’os en un craquement abject.

Je reculai aussitôt, rampant sur le dos. Le tueur se tourna vers moi. Son manteau s’était ouvert. Dessous, il était torse nu. La peau de sa poitrine était si fine, si abrasée, qu’elle en était translucide. Je distinguai nettement son cœur battant à travers sa peau de poisson. Je plongeai dans le taillis et trouvai la lame propulsée, avec son mécanisme. Je l’attrapai à pleines mains et, m’entaillant la paume au passage, pivotai. Le monstre revenait déjà à l’attaque, brandissant de sa main gauche un autre crochet.

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