Le point faible de leurs machines est leur difficulté à faire demi-tour rapidement. On peut utiliser ce handicap. On n'a qu'à se former en carrés compacts. Lorsque les machines chargent, on s'écarte pour les laisser passer sans résistance. Puis, alors qu'elles sont encore prises dans leur élan, on les frappe par l'arrière. Elles n'auront pas le temps de se retourner. Et une troisième
La synchronisation du mouvement des pattes se fait par contact antennaire, on l'a vu. Il suffit de couper en sautant les antennes des casse-graines pour qu'elles ne puissent plus diriger leurs porteuses. Toutes les idées sont retenues. Et les naines commencent à bâtir leur nouveau plan de bataille.
Les combats reprennent à 11 h 47. Une longue ligne compacte de soldâtes naines monte lentement à l'assaut de la colline des Coquelicots.
Les tanks apparaissent entre les fleurs. A un signal donné, ils dévalent la pente. Les légions des rousses et de leurs mercenaires caracolent sur les flancs, prêtes à terminer le travail des mastodontes.
Les deux armées ne sont plus qu'à cent têtes de distance… Cinquante… Vingt… Dix! A peine la première casse-graines arrive-t-elle au contact qu'il se passe quelque chose de très inattendu. La ligne dense des Shigaepouyennes s'ouvre soudain en larges pointillés. Les soldâtes forment les carrés. Chaque tank voit s'évaporer l'adversaire et ne trouve plus en face qu'un couloir désert. Aucun n'a le réflexe de zigzaguer pour accrocher les naines. Les mandibules claquent dans le vide, les trente-six pattes s'emballent stupidement. Un effluve acre se répand: Coupez-leur les pattes!
Des naines plongent aussitôt sous les tanks et tuent les porteuses. Elles s'en retirent alors dare-dare pour ne pas être écrasées par la masse de la casse-graines qui s'affale. D'autres se jettent hardiment entre la double rangée de trois porteuses et crèvent d'une mandibule unique le ventre offert. Un liquide coule, le réservoir de vie des casse-graines se déverse sur le sol. D'autres encore escaladent les mastodontes, leur coupent les antennes et sautent en marche. Les tanks s'effondrent les uns après les autres. Les casse-graines sans porteuses se traînent comme des grabataires et sont achevées sans problème. Vision de terreur! des cadavres de casse-graines éventrés sont dérisoirement transportés par leurs six ouvrières qui ne se sont encore aperçues de rien… Des casse-graines privées d'antennes voient leurs «roues» partir dans des directions différentes et les écarteler…