Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

Obligé d'abandonner ses projets de violence, le pauvre vicomte avait alors tenté de convaincre Marianne de le laisser l'accompagner et, une fois de plus, elle avait eu toutes les peines du monde à lui faire admettre que c'était impossible. Elle dut répéter encore et encore qu'une des femmes de confiance de la Validé l'accompagnerait, la protégerait contre toute mésaventure et que, de toute façon, la présence d'un Européen pouvait tout remettre en question en amenant Rébecca à refuser ses services. Enfin, qu'en tout état de cause, l'officine d'une sage-femme n'était vraiment pas la place d'un homme.

Vaincu mais non persuadé, Jolival avait ronchonné toute la journée, son humeur s'assombrissant par degrés à mesure que le temps s'écoulait et que le soir approchait...

Cependant, Marianne avait pris connaissance du rouleau d'épais parchemin. C'était une pièce officielle, écrite en caractères arabes et revêtue du hughra impérial. Bien entendu, elle n'y comprit rien. Une lettre plus petite était jointe au document. Celle-là montrait, sur un vélin soyeux, une écriture fine et ornée qui évoquait les longues heures passées, jadis, pour l'acquérir, sur un pupitre de couvent. Un parfum de jacinthe en émanait, ramenant la lectrice au salon bleu de la nuit précédente.

En un style délicieusement archaïque, fleurant Versailles et la poudre à la Maréchale, Nakhshidil renseignait sa « très chère et très aimée cousine » sur l'identité du grand parchemin. C'était tout simplement l'acte de propriété de la Sorcière des Mers...

Racheté par la Validé au reis Achmet, le navire américain était désormais le bien absolu de la princesse Sant'Anna. En outre, il allait être remorqué jusqu'aux chantiers navals de Kassim Pacha où il recevrait, sous la protection toute spéciale des services du Kapoudan Pacha[3], les réparations nécessaires avant d'être remis à sa propriétaire.

« Nos charpentiers de marine », ajoutait la Validé non sans humour, « n'étant guère accoutumés aux techniques de vos grands vaisseaux d'Occident, nous avons prié lord Canning de nous procurer les services des charpentiers britanniques qui s'occupent des navires relâchant dans nos ports, afin qu'ils donnent les directives nécessaires à nos ouvriers et les mettent à même de restituer à « notre » vaisseau son état primitif... »

Ce beau morceau de littérature officielle eut le don de dissiper l'humeur noire de Jolival. Il se mit à rire et Marianne, entraînée, fit chorus.

— Si l'on pouvait encore douter de ce que votre impériale cousine fût demeurée bien de chez nous, constata le vicomte, ceci suffirait à nous montrer notre erreur. Il faut être née au pays de Voltaire et de Surcouf pour avoir cette idée saugrenue : obliger l'ambassadeur anglais à faire réparer un vaisseau appartenant à une ennemie, et lui laisser payer la facture. Car, à moins de se montrer goujat, Sir Stratford Canning ne pourra se hasarder à présenter l'addition. En vérité, c'est irrésistible. Vive la royale mère de Sa Hautesse ! Elle est vraiment digne de la famille...

Heureuse de le voir enfin détendu, Marianne n'ajouta rien. Le geste de Nakhshidil l'émouvait profondément car, dans son instinct si spécifiquement féminin, la blonde créole avait mis le doigt, sans hésiter, sur ce qui pouvait toucher le plus profondément sa jeune cousine : le bateau de Jason, celui qu'il aimait tant et peut-être plus que la femme dont il portait l'image !

En le lui offrant ainsi, avec cette royale générosité et cette délicatesse, et surtout en l'offrant à la minute précise où Marianne allait au-devant de nouveaux dangers pour son amour, la Validé donnait à son présent la valeur d'une sanction, d'un encouragement et d'une aide morale. C'était une merveilleuse manière de lui dire : « Tu vas souffrir mais, dans ton épreuve, tu songeras à ce navire car, avec lui, tu tiendras désormais dans le creux de ta main la clef de l'avenir et de toutes les espérances. La mort ne peut pas atteindre un être aussi puissamment armé... »

Marianne ferma les yeux. Elle se voyait déjà à bord de la Sorcière ressuscitée, quittant Constantinople toutes voiles dehors et visitant avec elle tous les ports du monde à la recherche du seul capitaine qui lui convînt. Comme l'horizon, tout à coup, s'élargissait, s'illuminait ! Demain, quand le soleil se lèverait, d'immenses projets d'avenir s'installeraient à son chevet pour l'aider à revivre, mais déjà, sûre de l'aide de sa puissante cousine et maîtresse du brick américain, Marianne n'était pas loin de penser que le monde lui appartenait.

Ouvrant les yeux, elle offrit à Jolival un sourire si radieux qu'il n'osa pas renouveler ses récriminations.

— Allons maintenant ! dit-elle avec entrain. Nous n'avons déjà perdu que trop de temps ! Gardez ces précieux papiers, mon ami. Je sais qu'avec vous ils seront dans les meilleures mains et puis, là où je vais, je n'en ai que faire. Maintenant, embrassez-moi, nous partons.

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