Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

En effet, du pied du couvent, la vue était magique car on y découvrait le port tout entier, brillant sous la lune comme une langue de mercure piquée des aiguilles noires des mâts de navires. Mais la beauté du spectacle n'avait plus le pouvoir de captiver Marianne, car elle avait hâte maintenant d'être arrivée et d'en finir. Une vague inquiétude lui venait à retardement. Après tout, rien n'affirmait que les ombres fussent celles de Jolival et de Gracchus... Latour-Maubourg ne lui avait pas caché que son palais était surveillé et l'ambassadeur anglais pouvait souhaiter encore mettre la main sur l'envoyée de Napoléon. Ses services d'espionnage étaient trop bien organisés pour qu'il ignorât la longueur de l'audience nocturne accordée la veille à son ennemie... Avec une toute légère hésitation, elle demanda :

— Lorsque nous serons chez cette femme... serons-nous en sûreté ?

— En totale sûreté. Le corps de garde des janissaires qui veillent sur l'Arsenal et les chantiers navals sont tout près de la synagogue qu'ils surveillent, d'ailleurs par la même occasion. Le moindre bruit dans ce quartier les attire dans la minute même. Chez Rébecca, nous serons aussi tranquilles que derrière les murs du Sérail. Mais le tout est d'y arriver ! Plus vite, toi !... Allons, plus vite !

Elle reprit son ordre en turc et le mulet partit comme le vent. Heureusement, la pente, assez raide d'abord s'était considérablement adoucie et les pavés inégaux de la rue avaient fait place à de la terre battue. Bientôt, on roula sur un étroit chemin qui longeait le fond du vallon et le bord du ruisseau.

Vu de près, il était infiniment moins poétique que depuis les hauteurs de Péra et surtout que ne le laissait supposer son nom charmant. Des détritus y nageaient et une odeur pénible, faite de vase et de poisson pourri, s'en dégageait. Le quartier tout entier, d'ailleurs, tassé contre les murs crénelés de l'Arsenal qui le séparaient de la mer, était misérable. Des maisons de bois aux murs rongés par le vent et le sel s'agglutinaient autour d'une vieille synagogue croulante, découpant, sur le ciel d'ardoise bleue, leurs encorbellements et leurs toits aplatis. Des échoppes aux volets clos occupaient souvent le rez-de-chaussée et, de loin en loin, s'ouvrait la porte basse d'un entrepôt où les fenêtres lourdement grillées d'une banque au linteau de laquelle s'étalait l'étoile de David.

Mais, chose étrange, si les maisons étaient vétustés et mal entretenues, les portes en étaient solides, avec des ferrures brillantes de soin. D'imposants verrous et des barreaux, que ne rongeait pas la lèpre de la rouille, défendaient entrepôts et banques.

— Voilà, dit Bulut Hanoum. Nous sommes à Kassim Pacha et la maison de Rébecca est là.

Elle désignait le mur d'un jardin qui formait, au flanc de la synagogue une sorte de protubérance. Les noires quenouilles de trois cyprès en dépassaient et au faîte du mur gris moussaient les flocons neigeux d'un jasmin.

— Est-ce ici le ghetto de Constantinople ? demanda Marianne péniblement impressionnée par la mine désolée des maisons.

— Il n'y a pas de ghettos dans l'Empire ottoman, répondit doctement Bulut. Au contraire, quand l'Inquisition les a chassés, les Juifs d'Espagne ont trouvé ici accueil, liberté et même considération, car nous ignorons – et avons toujours ignoré – les préjugés de race. Tout nous est bon, noirs, jaunes ou café au lait, Arabes ou Juifs, pourvu qu'ils contribuent à la prospérité de l'empire. Les Juifs vivent où ils veulent et se groupent librement autour de leurs synagogues dont le nombre, ici, se monte à une quarantaine. La plus importante communauté se trouve dans le quartier voisin, mais celle d'ici n'est pas à dédaigner.

— S'ils ne sont pas parqués, du moins sont-ils réduits à la pauvreté sinon à la misère ?

Bulut Hanoum se mit à rire :

— Ne vous laissez pas impressionner par l'aspect misérable de ces maisons. L'intérieur, comme vous allez pouvoir en juger, est très différent. Les enfants d'Israël sont prudents car, s'ils font assez bon ménage avec nous autres Turcs, ils s'entendent comme chiens et chats avec les riches Grecs du Phanar qui les haïssent et leur reprochent de faire à leur commerce une concurrence trop souvent victorieuse. Ils préfèrent donc garder leurs richesses à l'abri des regards indiscrets et ne pas offrir, par l'éclat de leurs demeures, une prise trop forte à la hargne de leurs ennemis.

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