Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

— Tant que la Sultane Mère ne vous aura pas reçue, insistait Latour-Maubourg, il vaut mieux éviter tout risque inutile. Canning fera n'importe quoi pour empêcher cette entrevue qui l'inquiète. Les moyens qu'il a employés contre vous démontrent clairement combien il vous craint. N'êtes-vous pas cousine de Sa Hautesse ?

— Cousine à un degré fort mince !

— Cousine tout de même, puisque c'est à ce titre que nous espérons vous voir reçue. Croyez-moi, Madame, restez ici jusqu'à ce que l'audience vous soit accordée. Cette maison, je le sais, est surveillée, mais Canning n'osera rien tenter tant que vous demeurerez à l'intérieur. Alors que, si vous sortiez, il est tout à fait capable de vous faire enlever.

Ces conseils, vigoureusement appuyés par un Joli-val trop content d'avoir récupéré sa « fille adoptive » pour risquer de la reperdre aussitôt, ces conseils, donc, étant ceux-là mêmes de la sagesse, Marianne s'y était pliée. Pendant des heures, rongeant son frein et espérant la bienheureuse convocation, elle avait arpenté tantôt sa chambre, tantôt le jardin de l'ambassade. Celle-ci, un ancien couvent franciscain du XVIe siècle et l'une des plus vieilles demeures de Péra, possédait un charmant cloître que l'on avait converti en jardin. Malgré l'absence de femme – diplomate à l'ancienne mode et fils de la sévère Bretagne, Latour-Maubourg n'avait pas jugé convenable de faire venir femme et enfants en terre infidèle – l'ambassadeur avait donné à ce jardin, comme à ses vieux bâtiments, une élégance toute française, à laquelle Marianne était sensible et qui lui adoucissait les rigueurs de la captivité.

Outre Arcadius de Jolival, Marianne y avait également retrouvé son cocher, Gracchus-Hannibal Pioche, l'ex-commissionnaire de la rue Montorgueil. En revoyant saine et sauve une patronne qu'il croyait bien au fond de la Méditerranée, le brave garçon, fondant en larmes, était tombé à genoux puis, ce fils de la Révolution athéiste avait remercié le Ciel à mains jointes avec une ferveur que lui eût enviée un chouan. Après quoi il avait fêté l'événement en compagnie du cuisinier de l'ambassadeur et de quelques bouteilles de raki, bombance dont il avait pensé mourir.

En revanche, Marianne n'avait pas retrouvé sa femme de chambre. Agathe Pinsart avait disparu. Pas très loin, d'ailleurs, et sans qu'il y eût pour cela la moindre tragédie. Contrairement à ce que l'on pouvait craindre, la pauvre fille avait parfaitement résisté au traitement, aussi barbare que répugnant, auquel Leighton et ses mutins l'avaient soumise à bord de la Sorcière. En revanche, son charme acidulé avait subjugué le reis qui, en s'emparant du brick, avait libéré les prisonniers. Et comme, pour sa part, Agathe avait été profondément impressionnée par la prestance, les vêtements de soie et les superbes moustaches du jeune capitaine turc, le voyage vers Constantinople avait revêtu, pour ces deux-là, l'aspect réconfortant d'un long duo d'amour au terme duquel Achmet avait offert à sa douce amie de l'épouser. Persuadée de ne jamais revoir Marianne en ce bas monde et, d'ailleurs, fort tentée par la vie douillette des dames turques, Agathe n'avait résisté que pour la forme et pour donner plus de prix à son accord. Et, quelques jours avant l'arrivée de sa maîtresse, elle avait, avec enthousiasme, embrassé l'Islam, embrassé aussi Achmet et, avec tout le cérémonial requis, fait son entrée dans la belle maison que son époux possédait à Eyoub, auprès de la grande mosquée fraîchement reconstruite par Mahmoud II, pour abriter l'empreinte du pied du Prophète.

Marianne aurait aimé rendre visite à son ancienne soubrette pour la voir dans son nouveau rôle et pour la rassurer sur son propre sort, mais cela aussi appartenait au domaine des imprudences. Il fallait attendre, interminablement, attendre encore et encore, même si, à mesure que passait le temps, cette attente se faisait supplice. Mais, tout de même, l'épreuve avait pris fin.

L'ordre impérial était arrivé à l'ambassade comme le souper s'achevait. L'ambassadeur et ses hôtes passaient au salon quand on avait introduit les deux envoyés du palais : l'agha des janissaires et l'un des eunuques noirs chargés de la garde du harem. Tous deux étaient superbement vêtus. L'officier supérieur, malgré la chaleur, portait un dolman ourlé de zibeline noire, des bottes à crochets, une large ceinture en plaques d'argent dans laquelle était passé un fouet et un haut bonnet de feutre enveloppé d'une sorte de bulle de gaze argentée qui formaient un turban très particulier. L'eunuque était habillé d'un long manteau blanc ourlé de renard et coiffé d'un turban neigeux orné d'un joyau d'or.

Tous deux, en s'inclinant cérémonieusement, présentèrent une lettre où s'étalait le toughra[2]. L'audience demandée pour la princesse franque était accordée et aurait lieu dans l'heure suivante. L'invitée disposait de quelques instants pour se préparer à suivre les envoyés de la Sultane.

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