Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

A vrai dire, tandis que Marianne se précipitait vers sa chambre pour se changer, Latour-Maubourg avait hésité un instant : envoyer au Sérail, seule et à la nuit, l'amie personnelle de l'Empereur, pouvait être gros de conséquences. Il craignait qu'un piège ne se dissimulât sous les paroles fleuries de l'invitation. Mais, d'autre part, comme il s'agissait pour Marianne de pénétrer dans le harem, il ne pouvait être question que l'ambassadeur français sollicitât la faveur de l'accompagner et, de plus, la présence de l'agha des janissaires ne laissait guère de place à la discussion. Enfin, l'ordre à seconde lecture se révélait formel : « La princesse Sant'Anna devait se rendre seule au Sérail. » Une chaise à porteurs fermée attendait déjà devant le portail. Relayée par un caïque et par une autre chaise, elle conduirait la princesse jusqu'au lieu choisi par la Sultane Validé puis, l'audience achevée, la ramènerait par le même moyen.

— J'espère que l'on ne vous retiendra pas toute la nuit, se borna-t-il donc à lui dire quand elle redescendit quelques minutes plus tard, habillée pour la cérémonie. Monsieur de Jolival et moi-même vous attendrons en jouant aux échecs.

Puis, plus bas, il avait ajouté en bon Breton :

— Que Dieu vous garde et vous inspire !

Tandis que le caïque doublait la pointe du Sérail, Marianne se disait que, justement, c'était d'inspiration qu'elle avait le plus grand besoin. Durant tous ces jours passés à attendre, elle avait cent fois composé dans sa tête les phrases qu'elle dirait, cherché à imaginer les questions qu'on lui poserait et les réponses qu'elle ferait. Mais maintenant que l'heure approchait, son esprit lui paraissait curieusement vide et elle ne retrouvait plus aucun des discours si soigneusement préparés.

Elle finit par y renoncer, choisissant, pour tenter d'apaiser son émotion, d'emplir ses poumons de l'air marin que la nuit faisait plus frais et ses yeux du spectacle magique de cette ville quasi fabuleuse. Avec la tombée du jour, la voix des muezzins s'était éteinte sur les minarets des grandes mosquées, mais les ombres vespérales où luisaient encore, ici et là, l'or d'une coupole ou les chamarrures d'un palais, se piquaient peu à peu d'une multitude de petites lumières, celles des lanternes en papier huilé que chaque habitant était tenu d'allumer et de porter à la main pour sortir. L'effet de ces petites flammes dorées était ravissant et donnait à la capitale ottomane l'aspect féerique d'une gigantesque colonie de lucioles.

On voguait maintenant sur le Bosphore et la masse énorme du Sérail dominait l'eau brillante de ses murs formidables. Hérissés de noirs cyprès, ceux-ci retenaient un monde de jardins, de kiosques, de palais, d'étables, de prisons, de casernes, d'ateliers et de cuisines où s'agitaient environ vingt mille personnes. Dans un instant, on toucherait terre à l'ancien quai byzantin de marbre usé qui, par une volée de marches douces, rejoignait les deux portes médiévales ouvertes au plein du rempart, entre les jardins du palais et le rivage. Ce n'était pas l'entrée principale. En effet, la princesse Sant'Anna n'étant pas reçue officiellement malgré les liens de sang qui l'unissaient à la souveraine, elle ne franchirait pas la Sublime Porte, chemin habituel des ambassadeurs et des hauts personnages. Il s'agissait d'une visite privée et l'heure tardive, comme le chemin indiqué, insistaient sur ce caractère intime.

Mais, tandis que l'eunuque noir se perdait dans une foule de considérations destinées à lui expliquer cet état de fait sans trop froisser son orgueil de « princesse franque », Marianne songeait qu'au fond cela lui était parfaitement égal et que, même, elle préférait infiniment qu'il en fût ainsi. Elle n'avait jamais souhaité les charges d'une mission diplomatique officielle, l'Empereur ayant insisté lui-même sur le côté discret de son intervention et elle souhaitait encore moins piétiner les plates-bandes du malheureux Latour-Maubourg dont elle avait déjà eu tout le temps de mesurer les difficultés.

Le caïque toucha le quai ; les rames se relevèrent.

Marianne fut invitée à quitter son tendelet et à prendre place dans une sorte de boîte en forme d'œuf aplati sur le dessus, garnie de rideaux de brocart et sentant fortement le bois de santal.

Enlevée sur les épaules de six esclaves noirs, la chaise franchit les portes sévèrement gardées par des janissaires armés jusqu'aux dents et plongea dans l'épaisseur humide et parfumée des jardins. Les roses y foisonnaient et aussi les jasmins. L'odeur âpre de la mer disparut, chassée par celle de milliers de fleurs, tandis que le bruit du ressac s'éteignait sous la chanson des fontaines et des chemins d'eau qui cascadaient sur des degrés de porphyre ou de marbre rose.

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