Читаем Les lauriers de flammes (1ère partie) полностью

L'année 1811 s'était achevée dans le silence, laissant la place à une nouvelle venue dont, déjà, le premier mois s'était écoulé. Et cependant, Jason n'était pas encore venu. Et chaque jour nouveau mordait un peu plus cruellement dans l'espoir de Marianne qui, maintenant, n'était plus loin de désespérer le revoir un jour. S'il n'y avait eu la Sorcière, elle eût même été certaine qu'il avait définitivement renoncé à elle, Marianne, et que son amour était mort à jamais. Le brick, toujours ancré sous la marque de Turhan Bey à l'échelle du Phanar, était l'unique espoir auquel de toutes ses forces elle se raccrochait. Il ne pouvait pas se désintéresser d'un bateau qu'il aimait, même si la femme dont ce bateau portait l'image n'était plus rien pour lui.

Affaiblie, malade, l'angoisse installée dans le cœur, Marianne s'en voulait de ce qu'elle appelait tout bas sa lâcheté. L'ancienne Marianne, celle de Selton qui pourfendait son époux au soir de ses noces pour venger son honneur, eût tourné le dos à un homme qui l'avait si gravement meurtrie. Mais depuis ce temps, deux siècles avaient coulé. Et la femme frileuse et déprimée qui se blottissait dans ses coussins comme un chat malade, -n'avait plus que la force de savourer l'unique désir qui la soutînt encore : le revoir !

Par un navire du marchand Turhan Bey qui accomplissait régulièrement le voyage de Monemvasia, afin d'approvisionner les entrepôts de son maître en vin de Malvoisie, on avait appris que, dans les premiers jours de décembre, l'Américain avait quitté la Morée pour Athènes. Mais depuis, nul ne pouvait dire ce qu'il était devenu. Il semblait s'être volatilisé comme une fumée dans le ciel de l'ancienne capitale de la sagesse.

Cent fois, Marianne s'était fait répéter par Jolival ce que les pêcheurs avaient dit à l'envoyé de Turhan Bey, chargé d'ailleurs par celui-ci de ramener Jason s'il en exprimait le désir : l'étranger avait lu la lettre qu'on lui avait remise fidèlement avec un peu d'or quand sa guérison avait été complète. Puis la glissant dans sa poche sans autre commentaire, il s'était borné à s'inquiéter d'un bateau pour gagner Athènes. Remerciant chaleureusement ses infirmiers bénévoles, il les avait forcés à accepter la moitié de l'or qu'on lui remettait et un matin, à l'aube, il s'était embarqué sur une petite sacolève qui faisait du cabotage le long des côtes et remontait jusqu'au Pirée. Lorsque le capitaine de Turhan Bey était arrivé, Jason était parti depuis une quinzaine de jours.

Qu'avait-il cherché dans Athènes ? La trace de l'homme qui l'avait trompé, détruit, volé et abandonné à la mer cruelle après lui avoir arraché tout ce à quoi il tenait le plus au monde : son amour, son bateau et ses illusions... ou bien un moyen de gagner Constantinople. A moins que, dégoûté de l'Europe et de son humanité, il n'eût cherché tout simplement un navire qui le ramènerait vers Gibraltar et l'immensité atlantique ?...

Et, malheureusement, à mesure que le temps s'étirait, Marianne penchait de plus en plus vers cette dernière hypothèse : elle ne reverrait jamais Jason en ce monde... mais peut-être Dieu lui ferait-il la grâce de prendre sa vie en échange de celle de l'enfant qui allait venir...

Chaque soir, à la même heure, c'est-à-dire quand les premières lumières s'allumaient sur la rive d'Asie, le prince Corrado venait prendre des nouvelles et se présentait à l'entrée du pavillon qui avait été attribué à la jeune femme et qui était éloigné du sien propre de toute la largeur du jardin. En effet, fidèle au curieux style turc du XVIIIe siècle, le palais de Hümayunâbâd était un étonnant assemblage de toits aigus, de racailles, de festons et d'astragales, de kiosques ornés de trèfles et d'arabesques s'avançant sur l'eau ou sur les parterres comme d'énormes cages grillées d'or, de bassins et de pavillons à usages différents, destinés aux bains ou aux rites de la vie quotidienne mais tous ornés de colonettes peintes.

Le cérémonial était toujours le même. Comme s'il voulait marquer nettement son désir d'éviter toute intimité avec sa singulière épouse, le prince arrivait en compagnie d'Arcadius qu'il était allé prendre à la bibliothèque où le vicomte passait la totalité de ses journées environné d'un épais nuage de fumée, entre les auteurs grecs et l'étude du persan. La porte du pavillon leur était ouverte par Gracchus qui, avec la dignité d'un maître d'hôtel chevronné, les conduisait jusqu'au salon où dona Lavinia surveillait discrètement la future mère, les remettait à la femme de charge et revenait à son poste du vestibule où il n'avait rien d'autre à faire que jouer au bilboquet, bâiller interminablement et garder la porte.

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