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Cela ne gâchait pas mon bonheur ni notre union. Nous eûmes nos mythes, nos tics de langage, nos plaisanteries rituelles. Pendant près d'une année je terminai mes phrases, au moins une fois sur dix, par ces mots prononcés avec une résignation ironique: «Mais ça ne fait rien.» Je disais: «Voilà un grand chien blanc. Il n'est pas blanc, il est gris mais ça ne fait rien.» Nous prîmes l'habitude de nous raconter les menus incidents de notre vie en style épique à mesure qu'ils se produisaient; nous parlions de nous à la troisième personne du pluriel. Nous attendions l'autobus, il passait devant nous sans s'arrêter; l'un de nous s'écriait alors: «Ils frappèrent du pied le sol en maudissant le ciel» et nous nous mettions à rire. En public nous avions nos connivences: un clin d'œil suffisait. Dans un magasin, dans un salon de thé, la vendeuse nous semblait comique, ma mère me disait en sortant: «Je ne t'ai pas regardé, j'avais peur de lui pouffer au nez», et je me sentais fier de mon pouvoir: il n'y a pas tant d'enfants qui sachent d'un seul regard faire pouffer leur mère. Timides, nous avions peur ensemble: un jour, sur les quais, j'avais découvert douze numéros de Buffalo Bill que je ne possédais pas encore; elle se disposait à les payer quand un homme s'approcha, gras et pâle, avec des yeux charbonneux, des moustaches cirées, un canotier et cet aspect comestible qu'affectaient volontiers les beaux garçons de l'époque. Il regardait fixement ma mère, mais c'est à moi qu'il s'adressa: «On te gâte, petit, on te gâte!» répétait-il avec précipitation. D'abord, je ne fis que m'offenser: on ne me tutoyait pas si vite; mais je surpris son regard maniaque et nous ne fîmes plus, Anne-Marie et moi, qu'une seule jeune fille effarouchée qui bondit en arrière. Déconcerté, le monsieur s'éloigna: j'ai oublié des milliers de visages, mais cette face de saindoux, je me la rappelle encore; j'ignorais tout de la chair et je n'imaginais pas ce que cet homme nous voulait mais l'évidence du désir est telle qu'il me semblait comprendre et que, d'une certaine manière, tout m'était dévoilé. Ce désir, je l'avais ressenti à travers Anne-Marie; à travers elle, j'appris à flairer le mâle, à le craindre, à le détester. Cet incident resserra nos liens: je trottinais d'un air dur, la main dans la main de ma mère et j'étais sûr de la protéger. Est-ce le souvenir de ces années? Aujourd'hui encore, je ne puis voir sans plaisir un enfant trop sérieux parler gravement, tendrement à sa mère enfant; j'aime ces douces amitiés sauvages qui naissent loin des hommes et contre eux. Je regarde longuement ces couples puérils et puis je me rappelle que je suis un homme et je détourne la tête.

Le deuxième événement se produisit en octobre 1915: j'avais dix ans et trois mois, on ne pouvait songer à me garder plus longtemps sous séquestre. Charles Schweitzer musela ses rancunes et me fit inscrire au petit lycée Henri-IV en qualité d'externe.

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Порфирий — древнегреческий философ, представитель неоплатонизма. Ученик Плотина, издавший его сочинения, автор жизнеописания Плотина.Мы рады представить читателю самый значительный корпус сочинений Порфирия на русском языке. Выбор публикуемых здесь произведений обусловливался не в последнюю очередь мерой малодоступности их для русского читателя; поэтому в том не вошли, например, многократно издававшиеся: Жизнь Пифагора, Жизнь Плотина и О пещере нимф. Для самостоятельного издания мы оставили также логические трактаты Порфирия, требующие отдельного, весьма пространного комментария, неуместного в этом посвященном этико-теологическим и психологическим проблемам томе. В основу нашей книги положено французское издание Э. Лассэ (Париж, 1982).В Приложении даю две статьи больших немецких ученых (в переводе В. М. Линейкина), которые помогут читателю сориентироваться в круге освещаемых Порфирием вопросов.

Порфирий

Философия