La bataille s’engage le 25 octobre à midi : ne voyant pas les Français attaquer, les Anglais se sont lancés à l’assaut de leurs lignes en une sorte de charge désespérée, sûrs que c’est la seule qu’ils pourront mener. Les arbalétriers français répliquent, mais les chevaliers, les estimant inefficaces, les bousculent afin de prendre leur place. Ils descendent de cheval, tentent d’avancer vers l’ennemi, s’embourbent pendant que leurs propres chevaux effrayés par les flèches anglaises se ruent sur eux ! Henri V n’en croit pas ses yeux. Tant de bêtise, de stupidité, en si peu d’espace, c’est inespéré ! Les lignes de chevaliers français sont tellement compactes qu’aucun d’eux ne peut se servir de ses bras pour manier la lance ! C’est bientôt le sauve qui peut. Mais les chevaliers se sont encore davantage enfoncés dans la boue !
Les archers anglais se saisissent alors d’épieux, de haches, les coutiliers arrivent avec leurs longs couteaux ; tous font un carnage épouvantable parmi les rangs français. L’arrière-garde des chevaliers s’enfuit ! Henri V vit le plus beau jour de sa vie ! Il a fait 1 700 prisonniers. La bataille est gagnée. Mais, soudain, l’arrière-garde en fuite se ressaisit, ou fait semblant. Le roi d’Angleterre décide alors d’exécuter ses 1 700 prisonniers, ce qui est fait sur le champ par 200 archers ! Ainsi est décapitée la fine fleur de la chevalerie française. Ainsi disparaissent les têtes de grandes familles appartenant toutes au clan des Armagnacs, et cela sert parfaitement le projet du roi d’Angleterre qui veut favoriser les Bourguignons.
Charles d’Orléans : « En regardant vers le païs de France… »
Parmi les quelques prisonniers épargnés, on trouve Charles d’Orléans. Le fils de Louis d’Orléans n’a que vingt et un ans lorsqu’il est emmené en Angleterre, à Douvres, en 1415. Il sera libéré en 1440 après avoir séjourné pendant vingt-cinq ans dans différentes prisons où il écrit de nombreux poèmes. Peut-être en avez-vous lu certains. Peut-être quelques vers seulement. Peut-être ceux-ci : « En regardant vers le païs de France / Un jour m’avint à Dovre sur la mer / Qu’il me souvint de la doulce plaisance / Que souloye oudit pays trouver. » Ou bien ceux-ci : « Le temps a laissé son manteau / De vent, de froidure et de pluye… » Bonne d’Armagnac morte en 1435, il se remarie avec Marie de Clèves. Son amitié pour le duc de Bourgogne le rendant suspect aux yeux du roi Charles VII, il se retire au château de Blois où il s’entoure de poètes, de jongleurs. Il organise des concours de poésie. Il y accueille, entre autres, un certain François Villon… En 1462, naît son fils Louis, le futur Louis XII.
Après Azincourt, Jean sans Peur tente par tous les moyens de reprendre Paris aux Armagnacs décimés sur le champ de bataille. Pour atteindre cet objectif, il se rapproche un peu plus du roi d’Angleterre Henri V. Il le rencontre le 6 octobre 1416 à Calais, l’assurant qu’il le considère comme le seul roi de France ! Le royaume de France est en péril de mort. Jean sans Peur et ses Bourguignons ont mis le siège devant Paris. Les Armagnacs y font régner la terreur, augmentent les impôts, interdisent de se baigner dans la Seine, confisquent les armes. Mais, dans la nuit du 28 au 29 mai 1418, un jeune homme – Perrin Leclerc – qui hait les Armagnacs ouvre la porte de Saint-Germain-des-Prés aux Bourguignons commandés par le seigneur de L’Isle-Adam. Huit cents hommes en armes entrent dans la ville, rejoignent des Parisiens révoltés.
La vengeance des Bourguignons va commencer : le 29 mai 1418, c’est le début du massacre des Armagnacs. Ils sont entassés nus au coin des rues, au milieu de la boue. Dans les jours suivants, les bouchers, alliés des Bourguignons, ressortent leurs longs couteaux et vont égorger dans les prisons les Armagnacs qui y ont été jetés. D’autres sont précipités du haut de tours sous lesquelles les Parisiens se sont assemblés avec des piques tendues… D’autres sont découpés, brûlés. Sur le cadavre du connétable d’Armagnac, Jean de Villiers de L’Isle-Adam trace la croix des Bourguignons avec la pointe de son épée. Le bourreau de l’époque, Capeluche, monté sur son cheval noir, conduit une bande d’écorcheurs qui égorgent les femmes. Le comble de l’horreur est atteint lorsqu’il éventre des femmes enceintes. Arrêté et condamné à mort, il va préparer lui-même les instruments de son supplice, donner tous les conseils à son successeur pour que la hache lui tranche la tête du premier coup…