Dinan, Saint-Malo se rendent. Le 20 août 1488, Charles VIII et le duc François II, brisé de chagrin après la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier, signent le traité du Verger, près de Sablé. Ce traité apporte la paix à la Bretagne, mais ses conditions sont humiliantes. À peine un mois plus tard, le 9 septembre 1488, François II meurt, laissant la place à sa fille Anne. Elle n’a pas encore douze ans. Charles VIII se propose de devenir le tuteur du duché. Anne refuse ! Elle se fait couronner duchesse à Rennes et, afin de ne pas tomber aux mains des Français, se marie, par procuration, en décembre 1490, avec l’archiduc d’Autriche Maximilien de Habsbourg. Ainsi, la Bretagne devient une province autrichienne ! Alliance éphémère car Charles VIII veille : il rappelle que le traité du Verger interdit à Anne de prendre époux sans le consentement du roi de France. Et le roi de France, c’est lui, Charles VIII !
Anne ne veut rien savoir ! Elle s’enferme dans la ville de Rennes devant laquelle Charles VIII envoie La Trémoille mettre le siège. Consciente des graves conséquences qu’elle ferait courir à son duché en persistant dans ses choix, Anne refuse le combat et préfère annuler son premier engagement avec l’Autrichien Maximilien. Qui va-t-elle épouser alors ? La question se pose à la cour de France. Louis d’Orléans ? Pas question ! dit Anne de Beaujeu, toujours amoureuse du beau Louis, et plus jalouse que jamais ! Pourquoi pas Charles VIII, le roi lui-même ? Certes, mais il est déjà promis à Marguerite, la… fille de l’Autrichien Maximilien – élevée à la cour de France après le traité d’Arras ! Et alors ? Il suffit de renvoyer la petite Marguerite à son père, voilà tout ! Et c’est ce qui arrive, de sorte que, au château de Langeais, en 1491, Charles VIII épouse Anne de Bretagne, éphémère épouse de Maximilien de Habsbourg. Elle devient reine de France !
Elle a du mérite, Anne de Bretagne, car tous les contemporains de Charles VIII s’accordent pour souligner la laideur saisissante de ce roi petit comme un pygmée, assure un chroniqueur. De plus, il est affecté de mouvements convulsifs des mains vilaines à voir. Il a le regard fixe, s’exprime difficilement ; il est taciturne, emporté, s’intéresse si peu aux affaires dont on lui parle qu’un ambassadeur florentin avoue sa gêne extrême devant ce monarque si peu attentif, et pour tout dire marqué de l’expression des demeurés. Un buste de terre cuite le représentant est conservé au palais du Barggello de Florence, et atteste que l’air du roi ne traduit pas forcément l’intelligence la plus vive.
Anne avait sans doute rêvé de l’empereur Maximilien, un homme qui aimait comme elle les arts et les sciences. Tant pis ! L’air demeuré peut-être, Charles VIII, mais plein de vigueur et d’empressement auprès de la belle Anne de Bretagne puisque dès l’année suivante, naît un enfant qui sera prénommé Charles-Orland – enfant qui mourra à quatre ans, Anne en perdra presque la raison. Cependant, la nuit de noces se passe fort bien : les détails en sont rapportés en des termes fort crus par six bourgeois rennais dont la tâche est de tout écouter afin de juger si le mariage a été consommé, si cela s’est fait sans violence, et pour la première fois… Et finalement, tout se passe si bien que, dans les jours qui suivent, Anne, selon un ambassadeur, se montre fort désireuse de son mari.
1491, c’est l’année de la prise du pouvoir par Charles VIII, enfin libéré de sa sœur Anne de Beaujeu. Il fait sortir de sa prison Louis d’Orléans, et tourne sans tarder ses regards vers l’Italie. Ah ! L’Italie ! Le rêve de sa vie ! Mais aussi ce qu’il considère comme son héritage, ravi par le roi d’Aragon. Charles VIII prend ses précautions afin que personne ne contrarie son projet :
En 1494, libre de ses actions, il réunit une armée, et la première des guerres d’Italie va commencer. Louis d’Orléans est du voyage. Bon début pour Charles VIII qui entre triomphalement à Pavie, puis à Florence où le prieur du couvent de Saint-Marc, Girolamo Savonarole, excite la population contre les dépenses astronomiques des Médicis en fuite. Charles VIII assiste en sa compagnie aux derniers moments de l’humaniste italien Pic de la Mirandole qui s’éteint à trente et un ans. L’entrée à Naples en 1495 s’effectue dans la liesse générale : l’arrivée des Français signe la fin de la dictature des Aragonais. Le charme des Napolitaines est fort apprécié des soldats qui ramèneront en France le mal napolitain : la syphilis – que les Italiens appelleront le mal français…