Aucune hyperbole n’est de trop lorsque François Mitterrand arrive au pouvoir. L’« état de grâce » dure trois ans, la rigueur économique finissant par s’imposer. Elle est d’autant plus difficile à faire passer que le chômage ne cesse de progresser. C’est Laurent Fabius qui est chargé de faire admettre la rigueur aux Français, avant que la droite revienne et que se mette en place la première cohabitation. En 1988 débute un deuxième état de grâce qui porte pour un second mandat à la présidence François Mitterrand, image de la « Fransunie ». Celui-ci tente une ouverture au centre en nommant Michel Rocard Premier ministre qui règle le problème calédonien, instaure le RMI, crée la CSG. Édith Cresson le remplace en 1991. Elle laisse, dans le florilège des déclarations de responsables politiques, quelques métaphores piquantes, et certains jugements à l’emporte-pièce qui contribuent à l’écarter du gouvernement au profit de Pierre Bérégovoy, l’honnête homme dont on connaît la fin tragique.
François Mitterrand, né à Jarnac en 1916, est le cinquième d’une famille de huit enfants. Son père, d’abord cadre des Chemins de fer, est devenu industriel vinaigrier. François Mitterrand, en 1981, a déjà une longue carrière politique derrière lui : député de la Nièvre en 1946, il occupe divers postes ministériels – dont celui des Anciens combattants, et celui de l’Intérieur sous Mendès-France – pendant une dizaine d’années. En 1965, aux présidentielles, il met de Gaulle en ballottage. En 1974, aux mêmes élections, il est battu de justesse par Valéry Giscard d’Estaing. En 1981, il est élu à la présidence de la République.
Le gouvernement Mauroy décide alors d’instaurer la rigueur : blocage des salaires et des prix, augmentation des impôts – la recette Barre. Les rêves de mai 1981 s’évanouissent dans les urnes : la gauche perd trente et une villes de plus de 30 000 habitants aux élections municipales en 1983, et recule nettement aux élections au Parlement européen du 17 juin 1984 – ce jour-là, 43,2 % des Français s’abstiennent de voter – le Front national obtient 11 % des suffrages exprimés.
Parmi les projets et promesses du candidat Mitterrand, celui concernant la création d’un grand service public laïc unifié – c’est-à-dire celui de la nationalisation de l’enseignement privé – vient à l’ordre du jour en mars 1984, Alain Savary étant ministre de l’Éducation. Cette éventualité provoque, le 24 juin, à Versailles, le rassemblement de plus d’un million de personnes qui manifestent contre le projet Savary – projet abandonné aussitôt par François Mitterrand qui reconnaît publiquement, le 12 juillet 1984, que la position qu’il avait prise était une erreur. Une semaine plus tard, Pierre Mauroy donne sa démission.