La chanson, quant à elle, pense et souffre en ces temps où on écrit encore les textes autant que les mélodies : Brel, en 1959, interprète Ne me quitte pas, Gainsbourg, en 1963, La Javanaise, et Léo Ferré offre au public, en 1970, ce titre magnifique : Avec le temps. Changement de cap avec les yéyés : leurs chansons musclées ou tendres exploitent davantage les rythmes – twist ou slow – empruntés aux Étasuniens que l’écriture ciselée de leurs aînés… Johnny Halliday fait un malheur avec Retiens la nuit ou Le Pénitencier, Sylvie Vartan est La plus belle pour aller danser, Françoise Hardy chante Tous les garçons et les filles de mon âge, Jacques Dutronc Et moi, et moi, et moi..., et le sautillant Claude François Belles, belles, belles.
Des films marquent cette époque : Jules et Jim de François Truffaut en 1962, La Grande Vadrouille de Gérard Oury en 1966, Ma Nuit chez Maud d’Éric Rohmer en 1969, avec Jean-Louis Trintignant, Les Choses de la vie, de Claude Sautet, en 1970, avec Michel Piccoli. La télévision, les réfrigérateurs, les congélateurs colonisent en masse les foyers modestes qui se reconnaissent dans un petit personnage sympathique et futé, né sous les plume et pinceau de René Goscinny et Albert Uderzo en 1959 : Astérix le Gaulois.
Chapitre 24
1969 à 1995 : Le prix de la modernisation : la rigueurIl est difficile de prendre la succession d’un homme tel que Charles de Gaulle. Pourtant, le pari est réussi par l’homme à la cigarette, l’ami des poètes dont la voix grave et le propos précis séduisent une France sensible à la simplicité.
Georges Pompidou, issu d’un milieu modeste, image de la réussite d’un fils d’instituteur – Louis-le-Grand, Normale Sup’, reçu premier à l’agrégation de lettres – laisse le souvenir d’un président débonnaire et proche du peuple.
Les années 70 sont le temps des grandes réalisations dans le domaine des industries de pointe – Airbus, la fusée Ariane –, le temps de la « nouvelle société » où les patrons et les salariés s’engagent à développer le partenariat social. C’est aussi le temps de l’Europe qui s’agrandit au Royaune-Uni, à l’Irlande, au Danemark – le 23 avril 1972, Georges Pompidou propose aux Français par voie de référendum cette nouvelle carte européenne, il récolte 50 % d’abstentions…
La gauche ne demeure pas inactive : au congrès d’Épinay, les 11 et 12 juin 1971, François Mitterrand prend la direction du parti socialiste. En 1972, il signe avec les communistes un programme commun de gouvernement. Cette alliance inquiète le pouvoir en place, mais un autre souci commence à s’emparer de tous les Français : le président est malade. Ils l’ont lu dans les journaux, ils l’ont vu à la télévision : Georges Pompidou, physiquement, a changé, son embonpoint traduit l’évolution de sa maladie, une maladie rare – un cancer sanguin, la maladie de Waldenstrom – dont il va mourir le 2 avril 1974, après avoir lutté courageusement, jusqu’au bout.
La fin de l’exode rural