À Paris, l’Odéon, la Sorbonne, les Beaux-Arts deviennent des forums permanents où le monde ne cesse de se reconstruire. On sait que le mouvement est planétaire, qu’aux États-Unis, la guerre du Viêt Nam est de plus en plus contestée, que des colonies de hippies nomades commencent à jeter aux orties les portefeuilles bourrés des bonnes actions de leurs parents, pour partir vers Katmandou avec pour seul bagage un bissac où ballottent et souffrent leur viatique pour les générations futures : peace and love !
Cependant, au-delà de certains clichés, le mouvement de mai 68 permet, dans le pays tout entier, une prise de parole collective qui ressemble à bien des égards à ce qui fut entrepris en 1789 pour la rédaction des cahiers de doléances. Les cadres traditionnels et souvent archaïques explosent, le féminisme, l’écologie prennent leur essor. Sur les murs fleurissent des slogans qu’on dit nouveaux, révolutionnaires : « Il est interdit d’interdire »… – ce sont, pour beaucoup, les mêmes que ceux qu’on a retrouvés sur les murs de Pompéi, cité des plaisirs pour les Romains, enfouie sous les cendres du Vésuve en l’an 79 ; la roue tourne…
Dans la nuit du 10 au 11 mai 1968, des barricades s’élèvent dans le quartier latin, des voitures sont incendiées, les affrontements entre les étudiants et les forces de l’ordre font plus de 1 000 blessés. Bientôt les syndicats ouvriers rejoignent le mouvement étudiant. Le 13 mai, une manifestation gigantesque rassemble 900 000 personnes qui défilent de la République à Denfert-Rochereau. En tête, notamment : Mendès-France, Mitterrand, Waldeck-Rochet – secrétaire général du parti communiste – Sauvageot, Geismar et Cohn-Bendit, revenu sans s’annoncer… De Gaulle déclare alors, le 19 mai : « La réforme oui, la chienlit, non ! » Le 27 mai, le Premier ministre, Georges Pompidou, tente de calmer les esprits en signant les accords de Grenelle qui relèvent le SMIG, réduisent la durée du travail pour ceux qui font plus de quarante-huit heures par semaine, et renforcent le droit syndical dans l’entreprise. Mais le climat demeure tendu.
Le 9 novembre 1970, celui qui confia un jour à son ministre de l’Intérieur Alain Peyrefitte : « Toute ma vie, j’ai fait comme si ! » entrait dans la liste prestigieuse des grands acteurs de l’Histoire.
Qu’imaginer, après 68, pour répondre aux aspirations du pays ? La régionalisation ! De Gaulle y croit et se persuade que le pays l’attend. Elle permettrait une décentralisation qui accorderait davantage de pouvoirs aux élus des vingt et une régions-programme créées en 1964. Par ailleurs, dans les entreprises, une politique de participation est mise à l’étude afin d’associer les salariés aux bénéfices. Tout cela est soumis aux Français par référendum. De Gaulle prévient : si le non l’emporte, il se retire.
Le 27 avril 1969, le non l’emporte – 53,18 %. De Gaulle rentre à Colombey-les-Deux-Églises, pour ne plus jamais revenir. Il meurt le 9 novembre 1970, à quatre-vingts ans. « La France est veuve ! », déclare Georges Pompidou. Jacques Faizant, dans Le Figaro, représente une Marianne – la France – qui pleure sur un chêne abattu. À Notre-Dame, le 12 novembre, une cérémonie religieuse réunit des chefs d’État venus du monde entier.
La pilule, des chansons et des films
Bien des choses ont changé dans les années 60-70. On pense évidemment au projet du chanteur Antoine dans ses Élucubrations, en 1968 : mettre la pilule en vente dans les Monoprix. La pilule contraceptive se banalise à partir de la fin des années 60, conduisant à une liberté sexuelle jamais connue encore. La pilule a été découverte en 1956 aux États-Unis.