Laurent Fabius a tout pour réussir. Il réussit d’ailleurs parfaitement, dans un premier temps, la mission que lui confie le Président. Mais l’affaire du
Mauvaises affaires
Laurent Fabius va être atteint de plein fouet par deux affaires qui vont hypothéquer sa carrière. La première concerne les essais nucléaires français dans le Pacifique, sur l’atoll de Mururoa : un bateau de l’organisation Greenpeace, le
Une enquête aboutit à la conclusion suivante : les services secrets français ont voulu retarder la venue du bateau de Greenpeace à Mururoa, lieu des essais français, en le plastiquant. Deux suspects sont arrêtés, les époux Turenge, qui se révèlent être un colonel et un capitaine de l’armée française… Le 27 août, le président Mitterrand disculpe les services secrets français. Quelques semaines plus tard, Charles Hernu, ministre de la Défense, démissionne. Enfin, le 22 septembre, le Premier ministre Laurent Fabius, face à des preuves matérielles incontestables, admet que les services secrets français ont ordonné l’attaque du
La deuxième affaire qui atteint Laurent Fabius est celle du sang contaminé par le virus du sida, et transfusé à des hémophiles, en toute connaissance de cause, pour des raisons financières, alors qu’il aurait fallu le retirer du circuit de distribution. Administrativement innocent pour l’affaire du sang contaminé, Laurent Fabius est parfois jugé distant de ses ministres par l’opinion qui lui accordait sa confiance (Georgina Dufoix – « responsable, mais pas coupable » – sera relaxée lors du procès de 1999, et Edmond Hervé sera condamné, mais dispensé de peine ; Laurent Fabius sera également relaxé). Après ces deux affaires, le plus jeune Premier ministre donné à la République a entamé un retour progressif à la vie politique.
Laurent Fabius utilise efficacement l’outil télévisuel, usant d’un langage simple, multipliant les interventions où il explique son action ; cette façon de s’adresser aux Français n’est pas sans rappeler le style des samedis soir radiophoniques de Pierre Mendès-France en 1954. Sa cote de popularité ne cesse de monter, mais, dans son parti, cette réussite n’est pas appréciée : les militants du PS lui préfèrent Michel Rocard au congrès de Toulouse en 1985, et choisissent Lionel Jospin pour conduire la campagne des élections législatives en 1986.
À la suite des élections de 1986, la majorité de gauche et l’opposition de droite vont devoir faire chambre commune !
« Au secours, la droite revient. » Ce slogan lancé par la gauche avant les élections législatives du 16 mars 1986 n’a aucun effet : la droite revient effectivement, ce qui oblige le président de la République à choisir un Premier ministre qui en est issu ; la première cohabitation de la Ve
République va commencer : Jacques Chirac, Premier ministre, va gouverner jusqu’aux présidentielles de 1988. Le dirigisme socialiste n’étant plus à l’ordre du jour, une série de privatisations est entamée : Havas, Matra, CGE, TF1, la Société Générale, Paribas, Suez. Ainsi est inauguré un libéralisme économique à l’anglaise qui rétablit la liberté des prix, permet de licencier sans autorisation préalable. Dans le domaine fiscal, l’impôt sur la fortune disparaît tandis que l’imposition directe entame une marche arrière.