Toutes ces habitudes de mortification, de pénitence sont assorties d’un comportement inhabituel pour un roi envers les pauvres ou les mendiants : il les accueille régulièrement à sa table, leur lave lui-même les pieds. Il fait distribuer des vivres aux malades. Il va même visiter un moine devenu lépreux et qui vit dans une demeure retirée. Ce moine a perdu ses yeux, son nez, ses lèvres sont fendues. Louis le nourrit lui-même, le panse avec patience. Il multiplie les fondations pour accueillir les pauvres, les déshérités, les âmes perdues. Mais, que vienne à passer une prostituée sur son chemin, il devient impitoyable : il la fait arrêter, emprisonner. Il interdit même la prostitution. Emporté par son élan de gardien de la morale, il proscrit les jeux de hasard, punit sévèrement ceux qui disent des paroles impies, qui blasphèment.
De l’épée dans le ventre
Rappelez-vous Montségur : les derniers parfaits qui périssent sur le bûcher où ils se sont laissés conduire sans résistance. Eh bien, cela satisfait complètement Louis IX. Le roi très pieux ne supporte pas qu’on porte atteinte à l’intégrité du monde chrétien, et les cathares sont pour lui des gêneurs à supprimer, à passer par les armes. Ses paroles à ce sujet sont très dures : « Si quiconque s’avise de médire de la foi chrétienne, il ne faut la défendre qu’avec l’épée, et on doit donner de l’épée dans le ventre autant qu’elle peut y entrer. » Voilà qui est on ne peut plus clair.
Il ne s’arrête pas là, Louis IX : en juin 1242, vingt-quatre charrettes remplies d’exemplaires du Talmud déversent leur cargaison place de Grève (près de l’Hôtel de Ville de Paris). Les livres sont brûlés ! Comme son grand-père Philippe Auguste, Louis IX se montre particulièrement agressif contre les Juifs : il leur interdit la pratique de l’usure. Si leurs enfants deviennent orphelins, ils seront rééduqués dans une école spéciale destinée à les convertir au catholicisme. Où trouver de l’argent pour organiser les croisades ? « Rançonnez les Juifs », conseille Louis IX ! En 1253, il ordonne que nombre d’entre eux soient expulsés du royaume. En 1259, il prend une décision dont la répétition plusieurs siècles plus tard prend une dimension qui glace : chaque Juif devra porter cousu sur son vêtement une pièce d’étoffe circulaire de couleur jaune : la rouelle. Celui qui n’accepte pas de la porter ou qui oublie de le faire peut être dénoncé. Son vêtement confisqué est alors offert au dénonciateur…
La Sainte-Chapelle
Le 10 août 1239, deux dominicains rapportent de Byzance une relique étonnante que Louis IX vient d’acheter afin de renflouer les caisses de l’empereur d’Orient, Beaudoin II – cousin du roi de France –, menacé de toutes parts : la couronne d’épines du Christ ! Le peuple en liesse escorte les deux dominicains et leur cortège jusqu’à la cathédrale Notre-Dame presque achevée -sa construction décidée par Maurice de Sully en 1163 est définitivement terminée en 1300. Quelques années après l’achat de la couronne d’épines, Louis IX fait l’acquisition d’un morceau de la vraie croix, de la lance et de l’éponge. Il décide alors la construction d’un reliquaire géant, à l’intérieur même de son palais. Ce sera la Sainte-Chapelle, construite entre 1240 et 1246. Ses vitraux, réalisés dans les ateliers de Chartres, relatent le voyage de la couronne d’épines. La partie supérieure de la Sainte-Chapelle, fascinante hybridation de la lumière et de la pierre, était réservée au roi et à ses proches qui pouvaient adorer tranquillement les reliques. La construction de la Sainte-Chapelle coûta 40 000 livres, les reliques, presque trois fois plus… Mais le prix n’était pas trop élevé pour que Paris devienne ainsi le fer de lance de la chrétienté dans le monde occidental, la concurrente de Rome et Jérusalem !
Le mot
Louis IX est obsédé par l’idée de justice. Il se rend régulièrement à Vincennes, s’assoit sous un chêne vénérable, et là, il écoute les plaignants, les pauvres gens qui sont menacés par des puissants. Il rend la justice ostensiblement, en tentant d’imiter le roi Salomon. On dirait aujourd’hui qu’il cultive son image et possède un sens aigu de la communication. En 1247, il fait entreprendre de vastes enquêtes à travers le royaume afin de traquer les abus de toute sorte.