Elle est là, dans ce jardin de la Malmaison où il se promène en compagnie d'Hortense.
Il ne peut regarder ces arbres sans se souvenir des fêtes passées ici, de la gaieté de ces soirées d'avant.
Napoléon quitte la Malmaison. Il somnole dans la berline qui le reconduit à l'Élysée. Il est épuisé.
Ce n'est que l'un de ces moments où la fatigue l'emporte. Il prend un bain. Il a un accès d'angoisse en voyant dans le miroir ce que son corps est devenu. Le ventre est si proéminent que les bords de sa chemise s'échappent du pantalon. Et qu'il a du mal à boutonner son gilet. Il passe sa main sur son crâne, ramène quelques mèches vers le front. Il est vraiment, maintenant, « le petit tondu », comme disent ses soldats.
Il appelle Marchand. Son valet l'aide à s'habiller. Puis, de retour dans son cabinet de travail, il examine les rapports des espions, qui surveillent Fouché, pourtant ministre de la Police !
Il convoque Fouché.
Il a déjà tant de fois menacé le duc d'Otrante ! Tant de fois il a été irrité et fasciné par son impassibilité, ses paupières lourdes, dissimulant le regard, son teint aussi blafard que celui de Talleyrand.
- Vous êtes un traître, Fouché, lui dit-il sur un ton méprisant. Je devrais vous faire fusiller.
Fouché ne bouge pas, murmure, les lèvres à peine entrouvertes :
- Sire, je ne suis pas de l'avis de Votre Majesté.
Au diable Fouché !
Napoléon a un mouvement de colère de tout le corps. Il lance :
- On me pousse dans une voie qui n'est pas la mienne. On m'affaiblit. On m'enchaîne. La France me cherche et ne me trouve plus. Elle se demande ce qu'est devenu le vieux bras de l'Empereur.
Il crie :
- La première justice, c'est le salut public !
Puis, d'un geste las, il fait signe à Fouché de sortir.
Il ne veut pas de potence, pas de guillotine. Les armes décideront.
Ce dimanche 28 mai 1815, il sort d'un pas rapide, puis il monte à cheval. Il aperçoit les baïonnettes des soldats alignés sur la place du Carrousel.