Читаем Napoléon. Le soleil d'Austerlitz полностью

- Une des choses qui contribuent le plus à la sûreté des rois, dit-il à Roederer, c'est qu'on attache à l'idée de couronne celle de propriété. On dit que tel roi est propriétaire du trône de ses pères, comme d'un particulier qu'il est propriétaire de son champ. Chacun ayant intérêt à ce que sa propriété soit respectée, respecte celle du monarque.

C'est le bon sens, n'est-ce pas ?

Mais faut-il franchir le pas ?

Il les voit autour de lui, comme des détrousseurs de cadavres sur le champ de bataille, ceux qui le poussent non seulement vers le Consulat à vie, mais aussi à désigner son successeur. Il y a ses frères, Lucien, Joseph : chacun d'eux proclame qu'il ne veut pas de l'héritage, qu'il faudrait pour succéder à Napoléon un homme comme Cambacérès, et cependant chacun pense à ce qui interviendra, après.

Après ma mort !

Il reçoit Cambacérès, venu une fois de plus soutenir l'idée qu'il faut que le Premier consul soit désigné à vie et, peut-être, ait la faculté de nommer son successeur.

Napoléon tourne dans son bureau, la tête baissée, et, comme chaque fois qu'il débat avec lui-même, il multiplie les prises de tabac.

Il s'arrête. Il fait entrer Roederer, qui les attendait dans l'antichambre.

- Tant que j'y serai, dit-il tout à coup brutalement, je réponds bien de la République, mais c'est vrai : il faut prévoir l'avenir.

Cambacérès et Roederer approuvent.

- Nous devons jeter sur le sol de la France quelques masses de granit, ajoute Napoléon.

Il veut que l'on crée partout, dans les départements, des lycées pour que l'instruction publique forme les esprits de ceux qui seront la charpente de la nation. Et pour les meilleurs d'entre les citoyens, il faut instituer un ordre, une nouvelle chevalerie, celle de la Légion d'honneur.

- On dira une nouvelle noblesse, murmure Roederer après un moment de réflexion.

- Il y aura une forte opposition dans les Assemblées, au Corps législatif, ajoute Cambacérès.

Napoléon s'emporte.

- Je défie, dit-il, qu'on me montre une République ancienne ou moderne dans laquelle il n'y ait pas eu de distinctions. On appelle cela des hochets, je sais, on l'a dit déjà. Eh bien, j'ai répondu que c'est avec des hochets qu'on mène les hommes.

Il gesticule, martèle les mots et le sol.

- Je ne crois pas que le peuple français aime la liberté, l'égalité. Ces Français ne sont point changés par dix ans de Révolution : ils sont ce qu'étaient les Gaulois, fiers, légers, il faut donc donner de l'aliment à ce sentiment-là. Il leur faut des distinctions. Croyez-vous que vous feriez battre des hommes par l'analyse ?

Il marche longuement, silencieux, puis, d'une voix résolue, ajoute :

- Croyez-vous qu'il faille compter sur le peuple ? Il crie indifféremment : « Vive le Roi ! Vive la Ligue ! » Il faut donc lui donner une direction et avoir pour cela des instruments.

- Justement, insistent Roederer et Cambacérès. Le Consulat à vie permettrait d'indiquer avec certitude le chemin.

Il écoute à peine leurs arguments. A-t-il jamais fait autre chose que ce qu'il a voulu ? Et s'imagine-t-il pouvoir renoncer un jour, après dix ou même vingt ans, aux fonctions qu'il exerce comme Premier consul ? Cet habit-là est devenu son corps et sa peau.

- Vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice ? Je le ferai si le vœu du peuple me commande ce que vous suggérez, dit-il.

Roederer présente aussitôt le plébiscite qui serait soumis au vote du peuple français, sur des registres ouverts dans chaque commune, à l'initiative du gouvernement. Les citoyens devraient répondre à deux questions : « Napoléon sera-t-il consul à vie ? » et « Le Premier consul aura-t-il la faculté de désigner son successeur ? »

Napoléon reprend le texte, s'approche de sa table et, d'un coup de plume rageur, raye la deuxième question.

- On n'a pas respecté le testament de Louis XVI ! lance-t-il. Respecterait-on le mien ?

Il fait quelques pas, prise d'une manière saccadée, puis ajoute :

- Un homme mort, quel qu'il soit, n'est plus rien !

Il se répète cette phrase tout au long du trajet qui conduit à la Malmaison. Il ne peut imaginer ce qui surviendra après lui, et il ne peut accepter l'idée que ses frères lui succéderont ou se disputeront entre eux pour occuper sa place, ou bien qu'ils devront partager le pouvoir avec un Moreau ou un Bernadotte !

Il passe une nuit difficile à la Malmaison et, le lendemain matin, à six heures, il fait manœuvrer deux bataillons de la Garde casernés à Rueil et à la Malmaison.

Il aime cet air vif de l'aube claire, les pas cadencés, l'ordre des colonnes, cette géométrie des bataillons, l'espace divisé en figures aux contours précis.

Tout en lançant des commandements, il pense à ce plébiscite. Les Français lui accorderont-ils le Consulat à vie ? Pourquoi refuseraient-ils ? Au Tribunat, seul Carnot a voté contre, et, au Corps législatif, trois députés seulement se sont opposés au plébiscite.

Il met fin aux manœuvres, convie les officiers des deux bataillons à déjeuner à la Malmaison.

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