Au bout d'un mois, ses blessures étaient cicatrisées et l'un des préposés de Licinius a jugé que le moment était venu de l'acheminer vers l'une des galères du trafic commercial où le quêteur avait des intérêts lucratifs.
Le jeune Hébreu avait perdu l'ardeur rosé de ses joues et l'expression innocente de sa physionomie affectueuse et joyeuse. Cette rude expérience lui avait laissé un air sombre et affligé. Il avait dans ses yeux une indéfinissable tristesse et sur son front des rides précoces annonçaient une vieillesse prématurée. Dans ses yeux néanmoins planait toujours la même sérénité douce qui lui venait de sa profonde confiance en Dieu. Comme tant d'autres descendants de sa race, il avait souffert d'un poignant sacrifice, mais il avait gardé la foi comme l'auréole divine de ceux qui savent agir avec justesse et espérer. L'Auteur des proverbes a dit que face à toutes les vicissitudes de la vie humaine, il était primordial de garder sa sérénité d'âme, car c'est d'elle que procèdent les sources les plus pures de l'existence et Jeziel avait gardé son cœur serein. Orphelin de père et de mère, prisonnier de cruels bourreaux, il avait su conserver le trésor de l'espoir et chercherait sa sœur jusqu'aux confins du monde, si un jour il réussissait à nouveau à embrasser la liberté de son front asservi.
Suivi de près par des sentinelles impitoyables, tel un vulgaire vagabond, il a arpenté les rues de Corinthe jusqu'au port, où il fut jeté dans la soute infecte d'une galère ornée du symbole des aigles dominateurs.
Réduit à sa misérable condition de condamné aux travaux forcés à perpétuité, il a affronté sa nouvelle situation avec confiance et humilité. C'est avec admiration que l'intendant Lisipus a remarqué sa bonne conduite et ses efforts nobles et généreux. Habitué à traiter avec des malfaiteurs et des créatures sans scrupules qui, très souvent, exigeaient la discipline du fouet, il fut surpris de découvrir chez ce jeune Hébreu une disposition sincère à se livrer au sacrifice, sans révolte et sans bassesse.
Manipulant les lourdes rames avec une absolue sérénité comme s'il se consacrait à une tâche ordinaire, il sentait la sueur abondante inonder son visage juvénile, se rappelant avec émotion les jours laborieux où il maniait sa chère charrue. Rapidement, l'intendant reconnu en lui un employé digne d'estime et de considération qui sut s'imposer à ses compagnons par le prestige de sa bonté naturelle qui débordait de son âme.
Pauvre de nous ! - s'exclama un collègue découragé. - Ils sont rares ceux qui résistent à ces maudites rames plus de quatre mois !...
Mais tout service nous vient de Dieu, l'ami - a répondu Jeziel hautement inspiré -, et dès lors que nous sommes ici à accomplir une activité honnête, la conscience tranquille, nous devons garder la conviction que nous servons le Créateur en travaillant à ses œuvres.
À chaque complication dans son nouveau mode de vie, il avait une phrase conciliante qui calmait les esprits les plus exaltés. L'intendant était surpris par la délicatesse de ses manières et sa capacité de travail alliées aux valeurs les plus élevées de l'éducation religieuse reçue au sein de son foyer.
Dans la sombre soute du bateau, la fermeté de sa foi n'avait pas changé. Il partageait son temps entre les rudes travaux et les méditations bénies. À chacune de ses pensées, survenait la nostalgie du nid familial et aussi longtemps que durerait sa captivité, il garderait l'espoir de revoir un jour sa sœur.
Après avoir quitté Corinthe, la grande embarcation s'est dirigée vers Céphalonie et Nicopolis d'où elle devait retourner par les ports sur la route de Chypre après un court passage par la côte de la Palestine, conformément à l'itinéraire organisé pour profiter du climat sec car l'hiver paralysait toute navigation.
Habitué à travailler, il n'eut pas de mal à s'adapter à la lourde besogne de chargement et de déchargement du matériel transporté, au maniement des rames implacables et à l'assistance aux quelques passagers chaque fois qu'ils lui demandaient de l'aide sous le regard vigilant de Lisipus.
En quittant l'île de Céphalonie, la galère reçut un illustre passager. C'était un jeune Romain, Serge Paul, qui se dirigeait vers la ville de Citium pour remplir une mission de nature politique, puis qui devait se rendre au port de Neapaphos où quelques amis l'attendaient. Le jeune patricien devint dès lors, parmi tous, la cible d'une grande attention. Vu l'importance de son nom et le caractère officiel de la mission qui lui avait été confiée, le commandant Servius Carbo lui avait réservé les meilleures cabines.
Néanmoins, bien avant d'accoster à nouveau dans Corinthe où le bateau devait rester quelques jours et poursuivre ensuite sa route déjà tracée, sous le coup d'une forte fièvre, Serge