Paul est tombé malade laissant apparaître sur tout son corps des plaies purulentes. On commentait en sourdine que dans les environs de Céphalonie se répandait une peste inconnue. Le médecin de bord ne réussissait pas à s'expliquer la maladie et les amis du malade sans dissimuler les moindres scrupules commencèrent à prendre leur distance. Au bout de trois jours, le jeune Romain était presque à l'abandon. À son tour inquiet, le commandant prit peur et fit appeler Lisipus, pour lui demander de lui indiquer un esclave des plus instruits et des plus délicats, capable de se charger de l'assistance nécessaire à l'illustre passager. C'est ainsi que l'intendant désigna aussitôt Jeziel, et dans l'après-midi, le jeune Hébreu pénétra dans la cabine du malade avec la même sérénité qui le caractérisait dans les situations les plus diverses et les plus risquées.
Le lit de Serge Paul était défait. Très souvent, il se levait brusquement pris d'une poussée de fièvre qui le faisait délirer, il prononçait des paroles incohérentes et aggravait par le mouvement de ses bras, les plaies qui saignaient de tout son corps.
Qui es-tu ? - a demandé le malade dans son délire, dès qu'il vit la figure calme et humble du jeune Corinthien.
Je m'appelle Jeziel, l'esclave qui vient vous servir.
Et à partir de là, il s'est consacré au malade avec toute son attention. Grâce à l'autorisation des amis de Serge, il utilisa tous les recours dont il put disposer à bord, imitant les traitements appris au foyer. Pendant plusieurs jours de suite et de longues nuits, il a ainsi veillé l'illustre Romain avec dévouement et bonne-volonté. Il lui appliquait des bains, des essences et des pommades avec zèle comme s'il traitait un proche parent qui lui serait très cher. Dans les moments les plus critiques de la douloureuse maladie, il lui parlait de Dieu, lui récitait des textes anciens des prophètes qu'il connaissait par cœur qui venaient s'ajouter aux paroles de consolation et de sympathie fraternelle.
Serge Paul comprit la gravité du mal qui avait fait fuir ses amis les plus chers et, pendant ces quelques jours, il s'était pris d'affection pour l'infirmier humble et bon. Au bout d'un certain temps, Jeziel avait complètement conquis son admiration et sa reconnaissance par ses actes d'une indicible bonté et le malade est rapidement entré en convalescence, à la joie générale.
Néanmoins, la veille de retourner dans la cale étouffée, le jeune captif a présenté les premiers symptômes de la maladie inconnue qui se répandait en Céphalonie.
Après s'être mis d'accord avec quelques subordonnés, le commandant attira l'attention du patricien déjà presque rétabli et lui demanda la permission de jeter le jeune homme à la mer.
Il vaut mieux empoisonner les poissons, plutôt que d'affronter le danger de la contagion et risquer tant de vies précieuses - lui dit Servius Carbo avec un sourire malveillant.
Le patricien a réfléchi un instant et demanda la présence de Lisipus pour que tous trois s'entretiennent sur le sujet.
Quelle est la situation du jeune homme ? - a demandé le Romain avec intérêt.
L'intendant se mit à expliquer que le jeune Hébreu avait embarqué avec d'autres hommes capturés par Licinius Minucius, lors des dernières émeutes en Achaïe. Lisipus, qui avait beaucoup de sympathie pour le jeune homme de Corinthe, chercha à peindre avec fidélité la correction de sa conduite, ses manières délicates, l'influence morale bénéfique qu'il exerçait sur ses compagnons très souvent désespérés et insoumis.
Après ses longues considérations, Serge a réfléchi et avec une profonde noblesse d'esprit, il dit :
Je ne peux accepter que Jeziel soit jeté à la mer. Je dois à cet esclave un dévouement qui équivaut à ma propre vie. Je connais Licinius et,
Mais cela est impossible... - s'exclama Servius réticent.
Pourquoi pas ? - a répondu le Romain. - Quand atteindrons-nous le port de Joppé ?
Demain, dans la soirée.
Très bien, j'espère que vous ne contrarierez pas mes plans, et dès que nous aurons atteint le port, je transporterai Jeziel à bord d'un canot jusqu'aux berges, prétextant vouloir faire des exercices musculaires dont j'ai d'ailleurs besoin. Après avoir accosté, je lui rendrai sa liberté. C'est un acte que je m'impose, conformément à mes principes.
Mais, Seigneur... - réagit le capitaine du bateau indécis.
Je n'accepte aucune restriction, de plus Licinius Minucius est un vieil ami de mon
père.
Puis il poursuivit après avoir réfléchi pendant un moment :
Vous n'alliez pas jeter le jeune homme à la mer ? -Si.