Pour ce que vous êtes, emportez-moi avec vous à Jérusalem, par pitié !...
Démontrant une bonté naturelle, l'interpellé a accepté sans hésitation :
Tu viendras avec moi.
Abandonné par Irénée aux soins d'Éphraïm, le malade reçut l'attention d'un véritable ami. S'il n'avait pas été aussi fiévreux, il aurait eu avec le frère des échanges plus approfondis pour connaître plus en détail les nobles principes qui l'avaient amené à lui tendre sa main protectrice. Mais il avait du mal à garder sa pensée vigilante afin de répondre à ses questions prévenantes pour le soigner correctement.
Au crépuscule, profitant de la fraîcheur de la nuit, une charrette, soigneusement couverte d'une bâche en chiffon bon marché, quittait Joppé à destination de Jérusalem.
Avançant doucement pour ne pas fatiguer la pauvre bête, Éphraïm transportait les deux malades à la ville proche, en quête du secours nécessaire. Se reposant dé-ci delà, ce n'est que le lendemain matin que le véhicule s'est arrêté devant la porte d'une grande maison qui par son aspect extérieur semblait d'ailleurs très pauvre. Un jeune au visage rayonnant est venu accueillir le nouvel arrivant qui lui demanda avec intimité :
Urias, pourrais-tu me dire si Simon Pierre est là ?
Oui, il est là.
Pourrais-tu l'appeler pour moi ?
J'y vais.
En compagnie de Jacques, le frère de Lévi, Simon est apparu et reçut le visiteur avec de grandes démonstrations d'amitié. Éphraïm expliqua la raison de sa présence. Deux désemparés exigeaient une aide urgente.
Mais c'est presque impossible - l'a interrompu Jacques. - Nous avons quarante neuf malades alités.
Pierre a esquissé un sourire généreux et lui dit :
Allons, Jacques, si nous étions en train de pêcher, serait-il juste de nous abstenir de tel ou tel tâche dépassant le domaine des obligations incontournables de chaque jour pour notre famille dont l'organisation nous vient de Dieu ; aujourd'hui le Maître nous a donné un devoir d'assistance à tous ses enfants en souffrance. Actuellement, notre temps se consacre à cela ; voyons donc ce que nous pouvons faire.
Et plein de bonté, l'apôtre s'est avancé pour accueillir les deux malheureux.
Venant des Tibériades, depuis qu'il était arrivé à Jérusalem, Simon s'était transformé en noyau central d'un grand mouvement humanitaire. De tout temps, les philosophes ont toujours trôné sur des chaises confortables, mais ils ne se sont jamais investis personnellement aux côtés des plus démunis, désertés par la chance. Par de divins exemples, Jésus a su rénover tout le système d'exhortation de la vertu. Appelant à lui les affligés et les malades, il a inauguré au monde la formule de la vraie bienfaisance sociale.
Les premières organisations d'assistance se sont érigées grâce à l'effort des apôtres sous l'influence aimante des leçons du Maître.
C'est pour cela que la résidence de Pierre, une donation faite par plusieurs amis du « Chemin », régurgitait de malades et d'invalides sans espoir. Originaires de Césarée, des vieux exhibaient des ulcères repoussants ; conduits par des parents soucieux de soulagement, des fous provenaient des régions les plus lointaines ; des enfants paralytiques de l'Idumée étaient portés par des bras maternels, tous attirés par la renommée du prophète nazaréen qui ressuscitait même les morts et savait rendre la tranquillité à ces cœurs les plus malheureux du monde.
Il était bien naturel qu'ils ne guérissent pas tous, ce qui obligeait le vieux pêcheur à prendre soin de tous les nécessiteux avec l'affection d'un père. Arrivé là avec sa famille, il était maintenant beaucoup aidé par Jacques, le fils d'Alphée, et par Jean ; mais bientôt, Philippe et ses filles s'installèrent également à Jérusalem, coopérant ainsi à ce grand effort fraternel. Le flux des nécessiteux était tel que depuis longtemps Simon ne pouvait plus se livrer à d'autres activités relatives à la prédication de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. L'extension de ces tâches finit par lier l'ancien disciple aux plus grands noyaux du judaïsme dominant, l'obligeant à demander de l'aide aux personnages les plus éminents de la ville. Pierre se sentait de plus en plus esclave de ses amis bienfaiteurs et de ses pauvres bénéficiaires accourus de toute part dans un état de besoin suprême, implorant le secours de son esprit de disciple dévoué et sincère.
Répondant aux sollicitations confiantes d'Éphraïm, il fit installer les deux patients dans sa pauvre maison.
Dans un état de complète inconscience, Jeziel occupa un lit propre et simple, il était en plein délire, la fièvre le dominait. Néanmoins, ses paroles incohérentes révélaient une telle connaissance exacte des textes sacrés que Pierre et Jean se sont intéressés de manière spéciale à ce jeune homme aux joues décharnées et tristes. Principalement Simon, il passait de longues heures à l'écouter, notant les concepts profonds bien qu'issus d'une exaltation fiévreuse.