En ouvrant les yeux, hagard, il remarqua que les premières lueurs de l'aube pointaient à l'horizon. Un homme à la physionomie sagace était penché sur lui et cherchait quelque chose. Épouvanté, le jeune Hébreu a immédiatement deviné ce qui se passait, convaincu de se trouver face à l'un de ces malfaiteurs ordinaires, avides d'une bourse étrangère. Il trembla et fit un mouvement involontaire, mais vit que son assaillant inattendu levait sa main droite, tenant une arme, il était sur le point de le tuer.
Ne me tue pas, l'ami - a-t-il balbutié d'une voix tremblante.
À ces mots prononcés sur un ton émouvant, le vagabond a retenu le coup fatal.
Je vous donnerai tout l'argent que je possède - a fini le jeune homme avec dépit.
Et cherchant dans sa poche le peu que le patricien lui avait donné, il a tout remis à l'inconnu dont les yeux brillaient de convoitise et de plaisir. D'un seul coup, ce visage sournois se transforma en une expression souriante qui donnait l'impression de vouloir soulager et même aider.
Oh ! Vous êtes trop généreux ! - a-t-il murmuré en prenant la bourse bien pleine.
L'argent est toujours bon à prendre - a dit Jeziel -quand grâce à lui nous pouvons conquérir la sympathie ou la miséricorde des hommes.
L'interlocuteur a feint de ne pas percevoir la portée philosophique de ces paroles et lui
dit :
Votre bonté, néanmoins, dispense le concours de tout élément étranger à la conquête de bons amis. Moi, par exemple, je me dirigeais à mon travail au port quand j'ai ressenti une si grande sympathie pour vous que je me trouve là, prêt à vous servir.
Votre nom ?
Irénée de Crotona pour vous servir - répondit l'interpellé, visiblement satisfait par l'argent qui remplissait sa poche.
Mon ami - s'exclama le jeune homme extrêmement affaibli -, je suis malade et je ne connais pas cette ville pour prendre de décision. Pouvez-vous m'indiquer un abri ou quelqu'un qui puisse me donner la charité d'un asile ?
Irénée a pris un air de pitié affectée et a répondu :
Je crains de ne rien avoir à mettre à votre disposition qui puisse répondre à vos besoins, et je ne sais pas non plus où il y aurait un abri approprié pour vous recevoir comme cela s'avère nécessaire. En vérité tout le monde est prêt à faire le mal, mais pour faire le bien...
Puis, se concentrant un moment, il a ajouté :
Ah ! Maintenant que j'y pense !... Je connais des personnes qui peuvent vous aider. Ce sont les hommes du « Chemin ».4
Désignation première du christianisme. (Note d'Emmanuel.)
Encore quelques mots et Irénée lui proposa de le conduire auprès de l'un d'eux, soutenant son corps malade et vacillant.
Le soleil caressant du matin commençait à éveiller la nature de ses rayons chauds et réconfortants. Une fois leur courte randonnée par un raccourci dans la lande accomplie, soutenu par le vagabond transformé en bienfaiteur, Jeziel s'est arrêté devant la porte d'une maison à l'apparence modeste. Irénée est entré, puis il est revenu avec un homme âgé au visage bienveillant qui a tendu cordialement sa main au jeune Hébreu, en disant :
D'où viens-tu, frère ?
Le jeune homme resta admiratif par tant de bonté et de délicatesse manifestée chez un homme qu'il voyait pour la première fois. Pourquoi lui donnait-il ce titre familier réservé au cercle des intimes nés sous le même toit ?
Pourquoi m'appelez-vous frère, si vous ne me connaissez pas ? - a-t-il interrogé
ému.
Mais l'interpellé, renouvelant son sourire généreux, ajouta :
Nous sommes tous une grande famille en le Christ Jésus.
Jeziel n'a pas compris. Qui était ce Jésus ? Un nouveau dieu pour ceux qui ne connaissaient pas la Loi ? Reconnaissant que la maladie ne lui permettait pas de faire des cogitations religieuses ou philosophiques, il a simplement répondu :
Que Dieu récompense la générosité de votre accueil. Je viens de Céphalonie et je suis gravement tombé malade pendant le voyage, c'est ainsi que dans cet état je fais appel à votre charité.
Éphraïm - a dit Irénée s'adressant au propriétaire de la maison -, notre ami a de la fièvre et son état général exige des soins. Vous, qui êtes l'un des hommes bons du « Chemin », devez l'accueillir avec ce cœur dévoué à ceux qui souffrent.
Éphraïm s'est approché davantage du jeune malade et fit observer :
Ce n'est pas le premier malade de Céphalonie que le Christ envoie à ma porte. Avant- hier déjà, un autre est apparu ici, le corps criblé de terribles blessures. Devant la gravité de son cas, je prétends d'ailleurs l'emmener dans l'après-midi à Jérusalem.
Mais pourquoi faut-il aller si loin ? - a demandé Irénée avec étonnement.
Il n'y a que là-bas que nous ayons un plus grand nombre de collaborateurs - a-t-il expliqué avec humilité.
Entendant ce qui se disait et considérant son besoin de quitter le port conformément aux recommandations du patricien qui avait été pour lui un véritable ami en lui rendant sa liberté, dans un appel humble et triste, Jeziel s'est adressé à Éphraïm en ces ternies :