Voilà, Monsieur, tout ce que j’ai à Vous répondre. Je m’empresse d’expédier cette lettre à la poste pour vous ôter bien vite le doute outrageux que vous pouvez avoir de mon compte, et vous prie de croire que non seulement je ne suis pas un homme à reculer, mais que je serai même ilatté d’être votre antagoniste.
J’ai l’honneur [1304]
Je vous supplie de me pardonner mon importunité, mais comme je n’ai pu hier me justifier devant le ministre —
Mon ode a été envoyée à Moscou sans aucune explication. Mes amis n’en avaient aucune connaissance. Toute espèce d’allusion en est soigneusement éloignée. La partie satyrique porte sur la vile avidité d’un héritier, qui au moment de la maladie de son parent [fait déjà mettre les scelets sur les effets qu’il convoite. J’avoue qu’une anecdote pareille avait été répandue et que j’ai recueilli une expression poëtique échappée à ce sujet.]
Il est impossible d’écrire une ode satyrique sans que la malignité n’y trouve tout de suite une allusion. Derj[avine] dans son Вельможа, peignit un sybarite plonge dans la volupté [sourd au cris du peuple], qui s’écrie
On applica ces vers à Patem[kine] et à d’autres — [cependant toutes ces declamations étaient des lieux communs — qui avaient été répété mille fois — ] C’est à d.[ire] dans la satyre des vices les plus bas et les plus communs peints [1305]
Au fond c’étaient des vices de grand seigneur et je ne puis savoir jusqu’à quel point Derj.[avine] était innocent de toute personnalité.
Le public dans le portrait d’un vil avare, d’un drôle qui vole le bois de la couronne, qui présente à sa femme des comptes infidèles, d’un plat-pied qui devient bonne d’enfants chez les gr[ands] s.[eigneurs], etc. — a, dit-on, reconnu un grand seigneur, un homme riche, un homme honoré d’une charge importante. —
Tant pis pour le public — il me suffit à moi de n’avoir pas (non seulement nommé) ni même insinué à qui que ce soit que mon ode [1306]
Je demande seulement qu’on me prouve que je l’ai nommé — quel est le trait de mon ode qui puisse lui être appliqué ou bien — que j’ai insinué.
Tout celà est bien vague; toutes ces accusations sont des lieux communs.
Il m’importe peu que le public ait tort ou raison. Ce qui m’importe beaucoup c’est de prouver que jamais en aucune manière je n’ai
J’ai répété, en forme de citation, des remarques de m-r Сеньковской dont le sens indiquait que vous aviez trompé le public. Au lieu de voir en cela, pour ce qui me regardait, une simple citation, vous avez trouvé lieu à me considérer comme l’écho de m-r Сеньковской; vous nous avez en quelque sorte confondu et vous avez cimenté notre alliance par les paroles suivantes: „Мне всего досаднее, что эти люди повторяют нелепости свиней и мерзавцев каков Сеньковской“. J’étais personnifié dans „эти люди“: l’inflexion et la véhémence de votre ton n’admettaient aucun doute sur l’intention de vos paroles, quand même la logique en eut laissé la signification indécise. Mais la répétition des нелѣпости ne pouvait raisonablement vous causer aucune impatience; c’est donc leur écho, que vous avez cru entendre et trouver en moi. L’injure était assez prononcée: vous me faisiez prendre part aux нелепости свиней и мерзавцевъ. Cependant, à ma honte ou à mon honneur, je n’ai point reconnu ou accepté l’injure et je me suis borné de vous répondre que, si vous vouliez absolument me faire prendre part aux expressions de „tromper le public“, je les prenais entièrement sur mon compte, mais que je me refusais à l’association avec les свиньи и мерзавцы. En consentant ainsi et malgré moi à vous dire que „vous trompiez le public“ (littérairement, car c’était toujours de littérature dont il s’agissait) je vous faisais tout au plus une injure littéraire, par laquelle je répondais et je me donnais satisfaction sur une injure personnelle. J’espere que je me ménageais un rôle assez bénin et assez paisible, car, même à parité d’insultes, la riposte n’équivaut jamais à l’initiative: cette dernière seule constitue le délit de l’offense.
C’est pourtant vous encore, qui, après une semblable conduite de ma part, m’avez fait entendre des paroles qui annonçaient une rencontre fashionable: „c’est trop fort“, „cela ne peut pas se passer ainsi“, „nous verrons“ etc. etc. J’ai attendu jusqu’à ce moment le résultat de ces menaces. Mais ne recevant aucune nouvelle de vous, c’est maintenant à moi à vous demander raison:
1) De m’avoir fait prendre part aux нелепости свиней и мерзавцев.
2) De m’avoir adressé, sans leur donner suite, de menaces équivalentes à des provocations en duel.