Читаем Переписка 1826-1837 полностью

Voici ma tragédie puisque vous la voulez absolument, mais avant que de la lire j'exige que vous parcouriez le dernier tome de Karamzine. Elle est remplie de bonnes plaisanteries et d'allusions fines à l'hist.[oire] de ce temps-là, [253] comme nos sous-œuvres de Kiov et de Kamenka. Il faut les comprendre sine qua non.

A l'exemple de Sheks.[peare] je me suis borné à développer une époque et des personnages historiques sans rechercher les effets théâtrals, le pathétique romanesque etc… Le style en est mélangé. Il est trivial et bas, là où j'ai été obligé de faire intervenir des personnages vulgaires et grossiers — quant aux grosses indécences n'y faites pas attention: cela a été écrit au courant de la plume, et disparaîtra à la première copie. Une tragédie sans amour souriait à mon imagination. Mais outre que l'amour entrait beaucoup dans le caractère romanesque et passionné de mon aventurier, j'ai rendu Дмитрий amoureux de Marina pour mieux faire ressortir l'étrange caractère de cette dernière. Il n'est encore qu'esquissé dans Karamzine. Mais certes c'était [254] une drôle [255] de jolie femme. Elle n'a eu qu'une passion et ce fut l'ambition, mais à un degré d'énergie, de rage qu'on a peine à se figurer. Après avoir gouté de la royauté, voyez-la, ivre d'une chimère, se prostituer d'aventuriers en aventuriers — partager tantôt [256] le lit dégoûtant d'un juif, tantôt [257] la tente d'un cosaque, [et] toujours prête à se livrer à [celui qui] quiconque 47 peut lui présenter [une] la faible espérance d'un trône qui n'existait plus. Voyez-la braver la guerre, la misère, la honte, en même temps [258] traiter avec le roi de Pologne de [puissance à puissance] couronne à couronne — et finir misérablement l'existence la plus orageuse et la plus extraordinaire. Je n'ai qu'une scène pour elle, mais j'y reviendrai, si Dieu me prête vie. Elle me trouble comme une passion. Elle est horriblement polonaise, comme le disait [la cousine de M-de Lubaumirska].

Гаврила Пушкин est un de mes ancêtres, je l'ai peint tel que je l'ai trouvé dans l'histoire et dans les papiers de ma famille. Il a eu de grands talents, homme de guerre, homme de cour, homme de conspiration surtout. C'est lui et Плещеев qui ont assuré le succès du Самозванец par une audace inouïe. Après je l'ai retrouvé à Moscou, [parmi] l'un des 7 chefs qui la défendaient [259] en 1612, puis en 1616 [260] dans la Дума siégeant à côté de Козьма Minine, puis воевод[а] [261] à Нижний, puis parmi les députés qui couronnèrent Romanof, puis ambassadeur. Il a été tout, même incendiaire, comme le prouve une грамота que j'ai trouvé à Погорелое Городище — ville qu'il fit [262] brûler (pour la punir de je ne sais quoi) à la mode des [comissaires] proconsuls de la Convention Nationale…

Je compte revenir aussi sur Шуйский. Il montre dans l'histoire un singulier mélange d'audace, [263] de souplesse et de force de caractère. Valet de Godounof, il est un des premiers Boyards à passer du côté de Дмитрий. Il est le premier [qui l'accuse [264]] qui conspire, [qui] et c'est lui-même, notez cela, qui se charge de retirer les marrons du feu, c'est lui-même qui vocifère, qui accuse, qui de chef devient enfant perdu. Il est prêt à perdre la tête, Дмитрий lui fait grâce déjà sur l'échafaud, il l'exile et avec cette générosité étourdie qui caractérisait cet aimable aventurier il le rappelle à sa cour, il le comble de biens et d'honneurs. Que fait Шуйский qui avait frisé [le supplice] [et] de si près la hache et le billot? [265] il n'a rien de plus pressé que de conspirer de nouveau, de réussir, de se faire élire Tsar, de tomber et de 48 garder dans sa chute plus de dignité et de force d'âme qu'il n'en eut pendant toute sa vie.

Il y a beaucoup du Henri 4 dans Дмитрий. Il est comme lui brave, généreux et gascon, comme lui indifférent à la religion — tous deux abjurant leur foi pour cause politique, tous deux aimant les plaisirs et la guerre, tous deux donnant dans des [chimères] projets chimériques — [tout] tous deux en butte aux conspirations… Mais Henri 4 n'a pas à se reprocher Ксения — il est vrai que cette horrible accusation n'est pas prouvée et quant à moi je me fais une religion de ne pas y croire. —

Грибоедов a critiqué le personnage de Job — le patriarche, il est vrai, était un homme de beaucoup d'esprit, j'en ai fait un sot par distraction.

En écrivant ma Годунов [266] j'ai réfléchi sur la tragédie et si je me mêlais de faire une préface, je ferais du scandale — c'est peut-être le genre le plus méconnu. On a tâché d'en baser les lois sur la vraisemblance, et c'est justement elle qu'exclut la nature du drame; sans parler déjà du temps, des lieux etc., quel diable de vraisemblance y a-t-il dans une salle coupée en deux dont l'une est occupée par 2000 personnes, censées n'être pas vues par celles qui sont sur les planches?

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