Читаем Révolte sur la Lune полностью

Au lieu de désigner un mari et une épouse pour aller voir celle qui avait été choisie et lui demander d’opter pour nous, Mamie a aussitôt envoyé Ludmilla et Anna chercher Wyoh : elle ne se trouvait pas plus loin que le salon Bon Teint. Ce n’était d’ailleurs pas la seule irrégularité ; plutôt que de fixer une date et d’organiser une réunion d’épousailles, on a appelé les enfants et, vingt minutes plus tard Greg a ouvert son livre de prières pour que nous procédions à l’échange des consentements… J’ai quand même réussi à comprendre, dans ma tête de lard, que cela se faisait à une vitesse à tout casser parce que je risquais moi-même de me casser le cou le lendemain.

Outre le message d’amour familial qu’ainsi ils m’offraient, cela ne faisait pas vraiment de différence pour moi : une épousée passe toujours sa première nuit avec le mari-aîné. Et je devais passer la nuit du lendemain et celle du surlendemain dans l’espace. Cela m’a cependant fait quelque chose et, quand les femmes se sont mises à pleurer au cours de la cérémonie, j’ai moi aussi versé une larme.

Après que Wyoh nous eut embrassés et quittés, au bras de grand-papa, je suis allé me coucher, tout seul, dans mon atelier. J’étais terriblement fatigué, les deux dernières journées avaient été pénibles. J’ai pensé à faire un peu d’entraînement avant d’estimer que, de toute manière, c’était trop tard ; j’ai aussi pensé à appeler Mike pour lui demander les dernières nouvelles de Terra. Puis je suis allé au lit.

J’étais assoupi depuis un certain temps quand, tout à coup, je me suis rendu compte que quelqu’un se tenait debout dans la chambre.

— Manuel ? me souffla-t-on dans l’obscurité.

— Quoi ? Ah ! Wyoh ! Ce n’est pas là que tu devrais te trouver, chérie.

— Mais si, mon mari. Mamie sait que je suis ici, et Greg aussi. Quant à grand-papa, il dort déjà.

— Oh ! quelle heure est-il ?

— Quatre heures environ. Je t’en prie, chéri, puis-je te rejoindre au lit ?

— Quoi ? Bien sûr ! (Il y avait quelque chose dont je devais me souvenir… Ah, oui :) Mike !

— Oui, Man ? a-t-il répondu.

— Décroche. N’écoute pas. Si tu veux me parler, appelle-moi par le téléphone familial.

— C’est ce que m’a déjà dit Wyoh, Man. Mes félicitations !

Puis Wyoh a enfoui sa tête dans le creux de mon épaule et je lui ai passé mon bras droit autour du cou.

— Pourquoi pleures-tu, Wyoh ?

— Je ne pleure pas ! Mais j’ai tellement peur que tu ne reviennes pas !

16

Je me suis réveillé, effrayé ; il faisait encore nuit noire.

— Manuel !

Je ne savais plus dans quel sens j’étais.

— Manuel ! – on m’appelait encore – réveille-toi !

Ça m’a rappelé quelque chose : un signal censé me remettre en état. Je me souvenais avoir été étendu sur une table d’opération dans l’infirmerie du Complexe, les yeux fixés sur une grosse lampe pendant que l’on me parlait et que des drogues s’infiltraient dans mes veines. Cela remontait à des siècles, une éternité de cauchemar, de souffrance, de tension insupportable.

Je comprenais maintenant la cause de ce sentiment de chute qui n’en finissait pas, je l’avais déjà ressenti auparavant : je me trouvais dans l’espace.

Qu’est-ce qui n’avait pas marché ? Mike aurait-il fait une erreur de quelques décimales ? Ou se laissant aller à son caractère puéril, m’avait-il fait une plaisanterie sans se rendre compte qu’il pouvait me tuer ? Mais alors, après toutes ces années de souffrance, pourquoi restais-je encore en vie ? L’étais-je seulement, d’ailleurs ? J’éprouvais peut-être les sensations que ressentent les fantômes, ce sentiment de solitude, de perdition, de ne se trouver nulle part ?

— Réveille-toi, Manuel ! Réveille-toi, Manuel !

— La ferme ! ai-je hurlé. Boucle ta foutue transmission !

L’enregistrement se poursuivait sans que j’y fasse attention. Où se trouvait ce foutu interrupteur ? Non, il ne faut pas souffrir un siècle d’accélération à 3 G pour échapper à l’attraction lunaire, ce n’est qu’une impression. Il ne faut que quatre-vingt-deux secondes, mais cela paraît vraiment très long pour le système nerveux humain, qui en ressent les moindres microsecondes. 3 G représentent dix-huit fois le poids d’un Lunatique.

J’ai alors découvert que ces crétins d’ingénieurs ne m’avaient pas fixé mon bras ; pour quelque raison idiote, ils me l’avaient ôté en m’attachant et à ce moment, j’avais été trop engourdi par les drogues et autres calmants qu’ils m’avaient fait ingurgiter pour penser à protester. Je n’avais pas douté un instant qu’ils allaient me le remettre. Malheureusement ce satané interrupteur se trouvait à ma gauche et la manche gauche de ma combinaison pressurisée était vide…

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