Читаем Révolte sur la Lune полностью

J’ai déjà dit que j’étais stupide. Je comprends les machines, et les machines s’entendent bien avec moi, mais je ne prétends pas saisir quoi que ce soit aux gens. Quand je deviendrai mari-aîné, si je vis jusque-là, je ferai exactement comme grand-papa fait avec Mamie : je laisserai Sidris commander. De la même manière… Bon ! réfléchissons : Wyoh s’était convertie à l’Église de Greg. J’apprécie Greg, je l’aime et je l’admire, mais il est impossible de faire digérer par un ordinateur la théologie de son Église sans obtenir autre chose que le néant. Wyoh s’en était sûrement rendue compte, vu qu’elle l’avait rencontré adulte… Pour tout dire, j’avais cru que la conversion de Wyoh prouvait sa volonté de faire n’importe quoi pour notre cause.

En fait, Wyoh avait opté Greg avant cela. Elle avait fait de nombreux voyages vers l’emplacement de notre nouvelle catapulte, et il avait toujours été plus facile de l’y envoyer elle, plutôt que Prof ou moi. C’était évident, je n’en revenais pas mais j’aurais dû m’en apercevoir.

— Greg, a dit Mimi, as-tu quelque raison de penser que Wyoming accepterait d’être choisie par nous ?

— Oui.

— Parfait. Nous connaissons tous Wyoming et je suis certaine que nous avons déjà forgé notre opinion à son sujet. Je ne vois aucune raison de nous y opposer… quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter ? Parlez !

Mamie n’était pas surprise. Rien d’étonnant à cela. Personne ne l’était d’ailleurs, car Mamie ne laisse jamais se réunir un conseil de famille si elle n’en connaît pas au préalable l’issue.

Je me demandais pourquoi elle paraissait ainsi certaine de mon opinion, au point de ne pas juger nécessaire de m’en parler auparavant. Je restais assis, embarrassé, mal à l’aise, car je savais que je devais parler : à la différence des autres, je connaissais un fait terriblement important qui aurait pu empêcher les choses d’aller aussi loin. Ça n’avait aucune importance pour moi mais ça en aurait pour Mamie et toutes nos femmes.

Je restais assis, comme un misérable lâche, silencieux.

Mamie a repris la parole :

— Parfait ! Faisons un tour de table. Ludmilla ?

— Moi ? Pourquoi ? J’aime Wyoh ; tout le monde le sait.

— Naturellement !

— Leonore chérie ?

— Je peux toujours essayer de lui demander de redevenir brune, comme cela nous nous compléterons mieux. Elle est plus blonde que moi, je ne lui vois pas d’autre défaut. Da !

— Sidris ?

— À deux mains ! Wyoh est le genre de fille qu’il nous faut.

— Anna ?

— J’ai quelque chose à dire avant de donner mon accord, Mimi.

— Je ne pense pas que ce soit nécessaire, chérie.

— Je vais pourtant tout étaler au grand jour, comme Tillie l’a toujours fait, comme le veut la tradition. Dans notre ménage, les femmes ont toujours apporté leur contribution en donnant des enfants à la famille. Vous serez peut-être surpris, du moins certains d’entre vous, d’apprendre que Wyoh a eu huit enfants…

Sans doute surpris, Ali a sursauté et ouvert tout grand la bouche. Moi, je regardais mon assiette. Oh ! Wyoh. Wyoh ! Comment ai-je laissé faire cela ? Maintenant, il fallait que je prenne la parole.

Je me suis rendu compte qu’Anna continuait de parler :

— … ainsi, elle peut maintenant avoir ses propres enfants à elle, l’opération a été un plein succès. Elle a l’angoisse d’avoir un autre enfant malformé, cas improbable selon la direction de la clinique de Hong-Kong. Il nous faudra donc l’aimer suffisamment pour l’empêcher de s’inquiéter.

— Nous l’aimerons, a assuré Mamie avec sérénité. Nous l’aimons déjà en fait. Anna, maintenant, es-tu prête à donner ton avis ?

— C’est à peine nécessaire, n’est-ce pas ? Je suis allée à Hong-Kong avec elle et je lui ai tenu la main pendant qu’on lui déliait les trompes. Je choisis Wyoh.

— Dans cette famille, a continué Mamie, nous avons toujours accordé à nos maris un droit de veto. C’est peut-être une drôle de coutume, mais c’est Tillie qui l’a établie et cela nous a toujours réussi. Alors, grand-papa ?

— Euh… Qu’est-ce que tu disais, ma chérie ?

— Nous sommes en train d’adopter Wyoming, gospodin grand-papa. Donnes-tu ton consentement ?

— Comment ? Ah, oui ! naturellement ! Une gentille petite fille… À propos, qu’est donc devenue cette jolie petite afro qui avait un visage similaire ? Elle en a eu assez de nous ?

— Greg ?

— C’est moi qui l’ai proposée.

— Manuel, mets-tu ton veto ?

— Moi ? Pourquoi ? Tu me connais, Mamie.

— Je te connais. Mais je me demande parfois si toi tu te connais. Hans ?

— Qu’arriverait-il si je disais non ?

— Tu y perdrais quelques dents, c’est tout, a immédiatement répondu Leonore. Hans, vote oui.

— Taisez-vous, les chéris, a commandé Mamie avec une pointe de reproche dans la voix. Opter quelqu’un est une chose sérieuse. Hans, parle !

— Da ! Yes ! Ja ! Oui ! Si ! Il était grand temps que nous ayons une jolie blonde comme cette… Aïe !

— Leonore, suffit ! Frank ?

— Oui, Mamie.

— Ali chéri ? C’est donc l’unanimité ?

Le brave garçon est devenu rouge comme une pivoine et n’a pas pu prononcer un mot. Il a juste approuvé de la tête avec force.

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