Читаем Révolte sur la Lune полностью

— Professeur de La Paz, vous venez de dire que les expéditions de grain devraient cesser par suite de l’épuisement des ressources naturelles et qu’en 2082, Luna ne serait même plus capable de nourrir sa propre population. Or, vous avez déclaré auparavant à l’Autorité Lunaire que vous pourriez multiplier les expéditions par douze et même plus ?

Prof a répondu calmement :

— Ce Comité représentait donc l’Autorité Lunaire ?

— Euh… C’est un secret de Polichinelle, voyons.

— Sans doute, monsieur, mais ils maintiennent pourtant la fiction d’un Comité d’Enquête impartial agissant pour le compte de l’Assemblée plénière. Ne croyez-vous pas qu’ils devraient avant tout définir leur statut ? Cela nous permettrait de savoir vraiment à qui nous parlons.

— Ce n’est pas à moi de prendre parti, professeur. Revenons-en à ma question. Comment pouvez-vous concilier ces deux déclarations ?

— Je trouve très intéressant que vous n’ayez pas à prendre parti, monsieur. N’est-ce donc pas l’affaire de tous les citoyens de Terra que d’éviter si possible une situation susceptible de provoquer une guerre entre leur planète et sa plus proche voisine ?

— Une guerre ? Pourquoi diable parlez-vous de guerre, professeur ?

— Quelle autre issue voyez-vous donc, monsieur, si l’Autorité Lunaire persiste dans son intransigeance ? Il nous est absolument impossible d’accéder à ses demandes ; les chiffres que je vous ai donnés vous expliquent pourquoi. S’ils refusent de les comprendre, ils essayeront à coup sûr de nous soumettre par la force… et il faudra bien que nous nous battions. Nous le ferons comme des rats acculés dans leur trou, car nous sommes piégés, incapables de fuir ou de nous rendre. Nous ne choisissons pas la guerre ; nous voulons vivre et commercer en paix avec notre planète voisine… La décision n’est pas entre nos mains. Nous sommes petits, vous êtes gigantesques. Je vous le prédis, l’Autorité Lunaire va tenter de soumettre Luna par la force. Et cet « organisme pacifique » donnera le coup d’envoi de la première guerre interplanétaire.

Le journaliste a froncé les sourcils.

— N’allez-vous pas un peu loin ? À supposer que l’Autorité, ou l’Assemblée plénière, puisque l’Autorité ne possède aucun vaisseau de guerre en propre, à supposer donc que les nations de la Terre prennent la décision de renverser votre… euh… « gouvernement », vous pourrez sans doute combattre sur Luna, et je présume que vous le ferez. Mais il me semble quand même difficile d’appeler cela une guerre interplanétaire. Comme vous l’avez vous-même rappelé, Luna ne possède pas de vaisseaux. Pour parler crûment, vous ne pouvez pas nous atteindre.

J’étais installé sur mon fauteuil roulant à proximité du brancard de Prof, occupé à l’écouter ; il s’est tourné vers moi.

— Expliquez-leur, colonel.

J’ai exécuté mon numéro comme un perroquet ; Prof et Mike ayant imaginé toutes les situations possibles, j’avais appris par cœur les réponses qu’il me faudrait faire.

— Messieurs, vous rappelez-vous le vaisseau Pathfinder ? Et comment il s’est écrasé après avoir échappé à tout contrôle ?

Ils s’en souvenaient. Personne n’avait oublié la plus grande catastrophe des premiers jours de la conquête spatiale, quand le malheureux Pathfinder était tombé sur un village de Belgique.

— Nous n’avons pas de vaisseaux, ai-je confirmé, mais nous pourrions vous balancer nos chargements de grain… au lieu de les envoyer en orbite d’attente.

Le lendemain cela faisait les gros titres : LES LUNATIQUES MENACENT DE NOUS JETER DU RIZ. Mais ma réponse avait alors été suivie d’un lourd silence.

Finalement, un journaliste a demandé :

— J’aimerais cependant savoir comment vous pouvez concilier vos deux déclarations : pas de grain après 2082… et une production dix ou cent fois supérieure.

— Il n’y a pas de contradiction, a répondu Prof. Tout dépend des circonstances. Les chiffres que vous avez aujourd’hui entre les mains sont fondés sur les faits actuels… Le désastre que j’évoque se produira dans quelques années seulement, par suite de l’épuisement des ressources naturelles de Luna. Les bureaucrates de l’Autorité – à moins que je ne doive parler de « bureaucrates autoritaires » – voudraient « éviter » ce désastre en nous mettant au coin pour nous faire taire, comme on fait avec un enfant désobéissant ! (Prof a repris sa respiration avec peine, puis a poursuivi :) Les conditions dans lesquelles nous pourrons continuer nos expéditions actuelles, voire les augmenter considérablement, sont liées aux circonstances. Je suis un vieux professeur, j’ai la plus grande peine à abandonner les habitudes que j’ai contractées lorsque je faisais la classe ; un corollaire n’est jamais qu’un simple exercice de raisonnement à la portée d’un étudiant. L’un de vous accepte-t-il de tenter cet exercice ?

Il y a eu un silence gêné, puis un petit homme est intervenu, avec un fort accent étranger :

— Vous parlez, me semble-t-il, d’un moyen de renouveler les ressources naturelles.

Перейти на страницу:

Похожие книги