Читаем Révolte sur la Lune полностью

— Je suis tout ce qu’il y a de plus sérieux, monsieur. La Souveraineté de Luna Libre n’a rien d’un problème abstrait, comme vous semblez le croire. Les engagements dont vous parlez sont ceux que l’Autorité a pris envers elle-même, et auxquels mon pays ne s’estime absolument pas lié. Toutes les conventions en provenance de la nation souveraine que j’ai l’honneur de représenter doivent encore être conclues, et discutées au préalable.

— Canaille ! a laissé échapper l’Américain du Nord. Je vous l’avais bien dit que vous étiez trop doux avec eux ! Des gibiers de potence, des voleurs et des débauchés ! Incapables de comprendre les manières civilisées !

— À l’ordre !

— Rappelez-vous, je vous ai averti ! S’ils venaient dans le Colorado, nous leur donnerions une ou deux leçons ; nous savons comment traiter leur espèce !

— L’honorable délégué est rappelé à l’ordre.

— Je crains, dit le délégué indien (c’était en fait un Parsi) de devoir me ranger à l’avis, du moins dans l’essentiel de ses déclarations, de l’honorable membre du Directoire de l’Amérique du Nord. L’Inde ne peut accepter l’idée que ces engagements soient considérés comme de simples bouts de papier. Les peuples civilisés ne jouent pas avec la faim.

— Sans compter, a interrompu l’Argentin, qu’ils s’accouplent comme des animaux. Les porcs !

Prof avait insisté pour que je prenne un tranquillisant avant la séance ; j’avais dû l’avaler devant lui. Il a déclaré avec calme :

— Honorable président, puis-je avoir l’autorisation de développer mon point de vue avant que nous concluions, de manière peut-être trop hâtive, qu’il convient d’abandonner ces pourparlers ?

— Je vous en prie.

— Autorisation unanime ? Sans objection ? Sans interruption ?

Le président a jeté un regard circulaire.

— Accordé, et les honorables représentants sont prévenus qu’à la prochaine interruption, je ferai usage de l’article 14. Le commandant du service d’ordre est prié d’en prendre note et acte. Le témoin peut poursuivre.

— Je serai bref, honorable président. (Prof a dit quelque chose en espagnol ; « Señor » est tout ce que j’en ai compris. L’Argentin est devenu rouge comme une pivoine mais n’a pas répondu. Prof a poursuivi :) Il me faut d’abord répondre au délégué de l’Amérique du Nord sur une question personnelle car il a mis en cause mes compatriotes. Moi-même, j’ai connu la prison plus d’une fois, et j’accepte le titre… non, je me glorifie du titre de « gibier de potence ». Voilà ce que nous autres citoyens de Luna sommes, ainsi que nos descendants. Mais Luna est une rude école ; ceux qui ont survécu à ses sévères leçons n’ont aucune raison d’en avoir honte. À Luna City, on peut laisser sa bourse sans surveillance, ou négliger de fermer la porte de sa maison à clé sans aucune crainte… Peut-on en faire autant à Denver ? Je n’ai aucun désir de faire un séjour dans le Colorado pour apprendre quoi que ce soit ; je suis pleinement satisfait de ce que Mère Luna m’a enseigné. Peut-être sommes-nous des canailles, mais nous sommes désormais des canailles armées.

« Quant au délégué de l’Inde, qu’il me permette de dire que nous ne “jouons” pas avec la faim. Nous ne demandons rien de plus que de discuter ouvertement sur des faits concrets, sans être tenus par des préalables politiques contraires aux faits. Si nous pouvons poursuivre ces conversations, je vous promets de vous indiquer un moyen par lequel Luna sera à même de continuer ses expéditions de grain, et même de les augmenter considérablement… pour le plus grand bénéfice de l’Inde.

Le délégué de la Chine et celui de l’Inde ont tout à coup tendu l’oreille. L’Indien a ouvert la bouche, puis a déclaré avec calme :

— Honorable président, pourrait-on demander au témoin de nous expliquer ce qu’il veut dire ?

— Le témoin est invité à développer sa pensée.

— Honorable président, honorables délégués, Luna a effectivement le moyen de multiplier par dix et même par cent ses expéditions à destination de vos millions d’affamés. Le fait que nos transports de grain ont continué d’arriver selon le programme établi pendant cette époque troublée, et qu’ils arrivent toujours aujourd’hui même, est bien la preuve de nos intentions amicales. Pourtant, ce n’est jamais en battant la vache que l’on obtient du lait ; nous pouvons discuter des moyens d’augmenter nos expéditions, mais en partant de faits réels, pas de la fausse présomption que nous sommes des esclaves, liés par un quota de travail que nous n’avons jamais accepté. Alors, qu’allez-vous faire ? Continuer à prétendre que nous sommes des esclaves tenus par un contrat passé avec une Autorité qui nous est étrangère ? Ou au contraire, voulez-vous reconnaître que nous sommes libres, traiter avec nous et savoir comment nous pouvons vous venir en aide ?

Le président a pris la parole :

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