Читаем Révolte sur la Lune полностью

— Mannie, a demandé Wyoh, te reste-t-il encore quelques pièces ? Je pense beaucoup de bien de l’équipe de Philadelphie.

Je lui ai jeté un coup d’œil.

— Avec quoi penses-tu payer tes paris ?

— Va au diable ! Sadique !

— Voyez-vous. Prof, je ne vois aucune circonstance justifiant que je fasse passer l’intérêt de l’État avant le mien.

— Bon, c’est déjà un point de départ.

— Mannie, a dit Wyoh, ton point de vue est incroyablement égocentrique.

— Je l’avoue : je suis très égocentrique !

— Espèce d’idiot ! Qui est venu à mon secours ? À moi, une étrangère ? Et qui n’a même pas essayé d’en tirer parti ? Professeur, je vous ai raconté des salades. Mannie s’est comporté en parfait chevalier.

— Sans peur et sans reproche[3]. Je le savais : je le connais depuis des années. Ce qui n’est pas contradictoire avec l’opinion qu’il vient d’exprimer.

— Mais si ! Peut-être pas dans la manière dont sont organisées les choses, mais si l’on considère notre but. Mannie, notre « État », c’est Luna. Elle n’a pas encore obtenu sa souveraineté, je te l’accorde, et nous sommes tous citoyens d’ailleurs ; mais j’appartiens à l’État Lunaire, et ta famille aussi. Mourrais-tu pour ta famille ?

— Qu’est-ce que cela vient faire là-dedans ?

— Justement ! Tout est lié.

— Niet. Je connais ma famille, elle m’a opté il y a bien longtemps.

— Chère madame, je dois voler au secours de Manuel. Son opinion a de la valeur, même s’il n’arrive pas à l’exprimer avec exactitude. Puis-je seulement demander ceci ? Dans quelles circonstances devient-il moral pour un groupe de faire ce qui ne serait pas moral qu’un membre de ce même groupe fasse seul ?

— Oh là… c’est une question piège.

— La question clé, chère Wyoming. À la base de tous les dilemmes gouvernementaux. Qui y répond honnêtement et en supporte toutes les conséquences sait où il se situe… et pourquoi il accepte de donner sa vie.

Wyoh a froncé les sourcils.

— Ce qui ne serait pas moral pour un membre de ce même groupe… Et vous. Professeur, quels sont vos principes politiques ?

— Puis-je d’abord vous demander les vôtres ? Si vous pouvez les exprimer ?

— Évidemment ! J’appartiens à la Ve Internationale, comme le plus grand nombre des membres du mouvement. Oh ! nous ne demandons pas aux autres d’accepter toutes nos positions ; nous formons un front uni. Il y a des communistes et des membres de la IVe Internationale, des rouges, des sociétaires et des partisans de la taxe unique, et tout ce que vous pouvez imaginer. Mais je ne suis pas marxiste ; à la Ve Internationale, nous avons un programme pragmatique. Industrie privée quand la propriété est privée, étatisation quand cela s’avère nécessaire, et une grande souplesse suivant les circonstances. Rien de doctrinaire.

— La peine capitale ?

— Pour quel crime ?

— Disons, en cas de trahison. À l’égard de Luna, quand vous l’aurez libérée.

— Quelle sorte de trahison ? Tant que j’ignore le contexte, je suis incapable de trancher.

— Moi aussi, chère Wyoming. Je crois pourtant à la peine capitale en certaines circonstances… avec cette différence : je n’exigerais pas de tribunal ; je jugerais, je condamnerais et j’exécuterais moi-même la sentence, en en assumant l’entière responsabilité.

— Alors Professeur, quelle est votre tendance politique ?

— Je suis anarchiste rationnel.

— Connais pas. Les anarchistes individualistes, les anarcho-communistes, les anarchistes chrétiens, les anarchistes philosophes, les syndicalistes, les libertaires, oui, ceux-là, je les connais. Mais ça, qu’est-ce que c’est ? Y a-t-il un rapport avec les partisans de Randite ?

— Je peux m’entendre avec la Randite. Un anarchiste rationnel croit que les concepts tels que ceux d’« État » et de « Société » ou de « Gouvernement » n’ont d’autre existence que celle démontrée physiquement par les actes d’individus autonomes. Il estime impossible de rejeter, de partager, ou de distribuer le blâme, la culpabilité ou la responsabilité, car ce sont des réalités générées par l’esprit humain seul. Pourtant, étant rationnel, il sait que les individus ne partagent pas tous son opinion, aussi tâche-t-il d’agir du mieux qu’il peut dans un monde imparfait… Mais conscient que ses propres actes sont loin d’être parfaits, il ne craint pas de constater sa propre faillite.

— Exactement ! me suis-je écrié. Loin d’être parfait ! Voilà bien ce que j’ai recherché tout au long de ma vie !

— Tu y parviendras ! m’a répondu Wyoh avant de s’adresser de nouveau au professeur : Vos déclarations me paraissent exactes quoique dangereuses. Un excès de pouvoir entre les mains des individus : vous ne voudriez certes pas que – prenons l’exemple des missiles à ogive nucléaire –, qu’ils soient surveillés par un irresponsable ?

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