Читаем Révolte sur la Lune полностью

Très rapidement, elle a eu toute une troupe de gosses sous ses ordres, si bien que nous pouvions surveiller chaque espion d’Alvarez. Mike pouvait écouter n’importe quel téléphone, et nous avions assez d’enfants pour filer un espion chaque fois qu’il lui prenait l’idée de sortir de chez lui, de son lieu de travail ou de quelque autre endroit ; l’un des gamins passait alors un coup de fil pendant qu’un autre continuait de surveiller notre homme. Nous contrôlions ainsi les faits et gestes des espions et les empêchions de voir ce que nous ne voulions pas qu’ils voient. Nous avons donc très rapidement obtenu leurs comptes rendus sans passer par le dossier « Zèbre ». Cela ne leur servait à rien de téléphoner d’une cabine publique au lieu de le faire de chez eux : avec nos Irréguliers de Baker Street, Mike était à l’écoute avant même qu’ils aient fini de composer leur numéro.

Ce sont les gosses qui ont repéré l’adjoint en chef d’Alvarez dans L City. Nous savions qu’il en avait un car ses espions ne lui faisaient pas leurs rapports par téléphone et qu’il ait pu les recruter nous semblait impossible, étant donné qu’aucun d’entre eux ne travaillait dans l’enceinte du Complexe. De plus, Alvarez ne se rendait à Luna City que lorsqu’une grosse légume terrienne présentait assez d’importance pour justifier une escorte.

Son adjoint s’est révélé être deux personnes : un vieux type, qui tenait une échoppe de bonbons, presse et paris dans le Vieux Dôme, et son fils qui appartenait au Service civique et résidait dans le Complexe. Le fils servait d’agent de liaison, ce qui expliquait pourquoi Mike n’avait pu les écouter.

Nous les avons laissés tranquilles mais à partir de là, nous avons eu les rapports de police une demi-journée avant Alvarez. Ce système – entièrement dû à des gosses de cinq ou six ans – a sauvé la vie de sept camarades. Gloire aux Irréguliers de Baker Street !

Je ne me rappelle pas qui les a appelés ainsi. Sans doute Mike. Moi, j’étais fanatique de Sherlock Holmes mais lui se croyait réellement Mycroft, son frère… et je n’essayais même pas de le démentir ; la « réalité » est une notion tellement polyvalente ! Les gosses, pour leur part, ne s’appelaient pas entre eux de cette façon, ils avaient leurs propres règles du jeu et leurs noms de guerre bien à eux. Ils n’étaient d’ailleurs pas embarrassés par des secrets qui auraient pu les mettre en danger ; Sidris laissait aux mères le soin de leur expliquer pourquoi on leur demandait de faire ces travaux, mais elles ne devaient jamais en donner la véritable raison. Les gosses aiment tout ce qui est mystérieux et amusant ; voyez combien de leurs jeux sont fondés sur la dissimulation.

Le salon Bon Teint est devenu une véritable centrale des potins ; les femmes y apprenaient les nouvelles bien plus vite que le Le Quotidien Lunatique. J’ai incité Wyoh à faire son rapport à Mike tous les soirs et de ne pas s’en tenir aux seuls bavardages qui lui semblaient importants ; elle pouvait alors oublier un élément potentiellement primordial, une fois associé par Mike à un million d’autres faits.

Le salon de beauté constituait aussi l’endroit idéal pour lancer de fausses rumeurs. Le Parti avait commencé par se développer lentement, puis de plus en plus vite à mesure que l’on commençait à sentir la puissance des cellules ternaires – sans compter les dragons de la Paix qui se révélaient plus désagréables encore que l’ancienne garde. Tandis que nos effectifs augmentaient, nous nous sommes lancés à corps perdu dans la contre-propagande, la provocation, le sabotage et l’agit-prop. Finn Nielsen, qui s’occupait de cette dernière, des actions les plus simples aux plus dangereuses, s’est entièrement plongé dans la clandestinité, respectant ainsi la tradition des plus vieux mouvements de résistance. Au bout d’un certain temps, on a également confié à Sidris beaucoup de missions d’agit-prop et d’autres qui s’y rapportaient.

Cela comprenait surtout des distributions de tracts et ce genre de choses. Nous ne conservions de littérature subversive ni dans sa boutique, ni dans notre maison, ni dans la chambre d’hôtel ; la diffusion était assurée par des gosses trop jeunes pour savoir lire.

En parallèle, Sidris travaillait toute la journée à des indéfrisables et autres permanentes. Elle commençait à avoir beaucoup trop à faire. Un soir, alors que je faisais un bout de chemin avec elle à mon bras, j’ai repéré dans la rue une silhouette et un visage familiers : une petite fille maigrichonne, tout en os, à la chevelure rousse. Elle devait avoir une douzaine d’années, période où les femmes grandissent d’un coup avant de s’épanouir en douces rondeurs. Je la connaissais mais je ne pouvais dire pourquoi, ni quand, ni où je l’avais rencontrée.

— Psitt ! ma biche, ai-je murmuré à Sidris. Vise la jeune femelle devant nous, cheveux carotte, plate comme une crêpe.

Sidris a levé les yeux.

— Chéri, je savais que tu étais excentrique, mais ce n’est encore qu’une enfant.

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