Читаем Révolte sur la Lune полностью

Oui. Hong-Kong aurait dû devenir pour nous une véritable forteresse, mais cela n’a pas été le cas. J’allais courir le risque de me montrer là-bas à visage découvert – de toute façon, un manchot ne passe pas facilement inaperçu. Je risquais non seulement de me trahir, mais aussi de mener le Gardien jusqu’à Wyoh, Mamie, Greg et Sidris si je faisais un faux pas. Personne n’a jamais prétendu qu’une révolution ne comportait aucun aléa.

Le camarade Clayton s’est révélé être un jeune Japonais – pas si jeune que ça, mais ils le paraissent jusqu’au moment où ils vieillissent d’un seul coup. Pas tout à fait Japonais, d’ailleurs – il avait, entre autres, du sang malais – mais il possédait un nom nippon et avait organisé sa maison à la japonaise : tout était commandé par les giri et les gimu : les obligations sociales et le respect. J’avais de la chance qu’il doive tant de gimu à Wyoh.

Clayton ne descendait pas d’un condamné ; sa famille avait embarqué « volontairement », le pistolet dans le dos, à l’époque où la Grande Chine avait consolidé son empire. Je ne lui tenais pourtant pas rigueur de son ascendance car il haïssait le Gardien aussi férocement que n’importe quel vieux condamné.

Je l’ai rencontré pour la première fois dans une maison de thé – l’équivalent de nos bars de L City – et, pendant deux heures, nous avons parlé de tout, sauf de politique. J’ai dû lui plaire car il m’a ramené chez lui. La seule chose que je reproche à l’hospitalité japonaise, ce sont leurs bains où l’on s’enfonce jusqu’au menton : ils sont vraiment trop chauds pour moi.

Au bout du compte, je ne m’étais pas tant exposé que cela. Mama-san s’était montrée aussi doué pour le maquillage que Sidris, mon bras de sortie est très convaincant et un kimono en recouvrait la jointure. J’ai rencontré les membres de quatre cellules en deux jours, me faisant passer pour le « camarade Bork », dissimulé par mon maquillage, un kimono et un tabi. Si un espion s’était glissé parmi eux, je ne pense pas qu’il aurait pu déceler ma véritable identité. J’étais allé là-bas armé de quantité d’arguments, de chiffres et de perspectives, mais je n’ai parlé que d’une seule chose, de la famine qui nous attendait en 2082, dans six ans.

— Vous pouvez vous estimer heureux, la crise ne vous atteindra pas aussi tôt que nous. Pourtant, grâce à la nouvelle ligne de métro, vos compatriotes vont se mettre à produire toujours plus de blé et de riz pour l’expédier vers l’aire de catapultage. Votre temps viendra aussi.

Ils étaient impressionnés. Le vieux mouvement de résistance, d’après ce que j’ai vu et entendu, croyait encore à la prière, à la musique sacrée, à l’émotion, un peu comme dans les églises. Je me suis donc contenté de leur dire :

— Voilà où nous en sommes, camarades. Vérifiez ces chiffres, je vous les laisse.

J’ai aussi rencontré un camarade seul à seul. Un ingénieur chinois à qui l’on explique suffisamment bien ce que l’on veut trouve toujours le moyen de le fabriquer. J’ai demandé à celui-là s’il avait déjà vu un laser assez petit pour être manié comme un fusil. Il n’en connaissait pas. Je lui ai expliqué que l’institution des passeports rendait maintenant difficile leur passage en contrebande. Il m’a répondu d’un air pensif que cela ne devait pas être aussi compliqué que pour des bijoux. Il devait aller la semaine suivante à Luna City pour y voir un de ses cousins ; je lui ai déclaré qu’oncle Adam serait très heureux d’avoir de ses nouvelles.

Somme toute, mon séjour s’est révélé assez profitable. En revenant, je me suis arrêté à Novylen pour examiner une vieille machine « Foreman » à carte perforée que j’avais déjà réparée. Puis je suis allé déjeuner avant d’aller rendre visite à mon père. Nous entretenions tous les deux d’excellentes relations, même s’il nous arrivait de ne pas nous voir pendant deux ans. Nous avons pris un sandwich et une bière dans un bar ; en partant, il m’a lancé :

— Cela m’a fait plaisir de te voir, Mannie. Luna Libre !

Un peu estomaqué, je lui ai répondu par le même mot de passe : je n’ai pu m’en empêcher. Je considérais pourtant mon vieux comme l’homme le plus cynique et le plus éloigné des problèmes politiques que l’on puisse imaginer ; il fallait que notre propagande fût déjà bien ancrée pour qu’il se permette de dire cela en public.

C’est ainsi que je suis revenu à L City, gonflé à bloc et pas trop fatigué grâce à la sieste que j’avais faite depuis Torricelli. Après avoir pris la ligne de ceinture à la station de métro Sud, je suis passé par l’avenue Inférieure, histoire d’éviter la foule des grands boulevards. J’en ai profilé pour me rendre à la salle d’audience du juge Brody, pour saluer mon vieil ami. Nous sommes tous deux amputés. Après la perte d’une jambe, il est devenu juge et a fort bien réussi dans cette profession, en partie parce qu’à cette époque, à L City, tous les autres juges avaient une situation d’appoint dans la comptabilité ou la vente d’assurances.

Перейти на страницу:

Похожие книги