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Ce n’était pas pour rester à Varses que j’y étais venu, et je m’étais imposé une autre tâche, un autre but, que de pousser toute la journée une benne dans le deuxième ou le troisième niveau de la Truyère.

Il fallut donc renoncer à satisfaire ma curiosité, et je croyais que je partirais sans en savoir plus long que ne m’en avaient appris les récits d’Alexis ou les réponses arrachées tant bien que mal à l’oncle Gaspard, quand par suite de circonstances dues au hasard, je fus à même d’apprendre dans toutes leurs horreurs, de sentir dans toutes leurs épouvantes les dangers auxquels sont exposés les mineurs.

III

Rouleur.

Le métier de mineur n’est point insalubre, et à part quelques maladies causées par la privation de l’air et de la lumière, qui à la longue appauvrit le sang, le mineur est aussi bien portant que le paysan qui habite un pays sain ; encore a-t-il sur celui-ci l’avantage d’être à l’abri des intempéries des saisons, de la pluie, du froid ou de l’excès de chaleur.

Pour lui le grand danger se trouve dans les éboulements, les explosions et les inondations ; puis aussi dans les accidents résultant de son travail, de son imprudence ou de sa maladresse.

La veille du jour fixé pour mon départ, Alexis rentra avec la main droite fortement contusionnée par un gros bloc de charbon sous lequel il avait eu la maladresse de la laisser prendre : un doigt était à moitié écrasé ; la main entière était meurtrie.

Le médecin de la compagnie vint le visiter et le panser : son état n’était pas grave, la main guérirait, le doigt aussi ; mais il fallait du repos.

L’oncle Gaspard avait pour caractère de prendre la vie comme elle venait, sans chagrin comme sans colère, il n’y avait qu’une chose qui pouvait le faire se départir de sa bonhomie ordinaire : – un empêchement à son travail.

Quand il entendit dire qu’Alexis était condamné au repos pour plusieurs jours, il poussa les hauts cris : qui roulerait sa benne pendant ces jours de repos ? il n’avait personne pour remplacer Alexis ; s’il s’agissait de le remplacer tout à fait il trouverait bien quelqu’un, mais pendant quelques jours seulement cela était en ce moment impossible ; on manquait d’hommes, ou tout au moins d’enfants.

Il se mit cependant en course pour chercher un rouleur, mais il rentra sans en avoir trouvé un.

Alors il recommença ses plaintes : il était véritablement désolé, car il se voyait, lui aussi, condamné au repos, et sa bourse ne lui permettait pas sans doute de se reposer.

Voyant cela et comprenant les raisons de sa désolation ; d’autre part, sentant que c’était presque un devoir en pareille circonstance de payer à ma manière l’hospitalité qui nous avait été donnée, je lui demandai si le métier de rouleur était difficile.

– Rien n’est plus facile ; il n’y a qu’à pousser un wagon qui roule sur des rails.

– Il est lourd, ce wagon ?

– Pas trop lourd, puisqu’Alexis le poussait bien.

– C’est juste ! Alors si Alexis le poussait bien, je pourrais le pousser aussi.

– Toi, garçon ?

Et il se mit à rire aux éclats ; mais bientôt reprenant son sérieux :

– Bien sûr que tu le pourrais si tu le voulais.

– Je le veux, puisque cela peut vous servir.

– Tu es un bon garçon et c’est dit : demain tu descendras avec moi dans la mine ; c’est vrai que tu me rendras service ; mais cela te sera peut-être utile à toi-même ; si tu prenais goût au métier, cela vaudrait mieux que de courir les grands chemins ; il n’y a pas de loups à craindre dans la mine.

Que ferait Mattia pendant que je serais dans la mine ? je ne pouvais pas le laisser à la charge de l’oncle Gaspard.

Je lui demandai s’il ne voulait pas s’en aller tout seul avec Capi donner des représentations dans les environs, et il accepta tout de suite.

– Je serai très-content de te gagner tout seul de l’argent pour la vache, dit-il en riant.

Depuis trois mois, depuis que nous étions ensemble et qu’il vivait en plein air, Mattia ne ressemblait plus au pauvre enfant chétif et chagrin que j’avais retrouvé appuyé contre l’église Saint-Médard, mourant de faim, et encore moins à l’avorton que j’avais vu pour la première fois dans le grenier de Garofoli, soignant le pot-au-feu et prenant de temps en temps sa tête endolorie dans ses deux mains.

Il n’avait plus mal à la tête, Mattia ; il n’était plus chagrin, il n’était même plus chétif : c’était le grenier de la rue de Lourcine qui l’avait rendu triste, le soleil et le plein air, en lui donnant la santé, lui avaient donné la gaîté.

Pendant notre voyage il avait été la bonne humeur et le rire, prenant tout par le bon côté, s’amusant de tout, heureux d’un rien, tournant au bon ce qui était mauvais. Que serais-je devenu sans lui ? Combien de fois la fatigue et la mélancolie ne m’eussent-elles pas accablé ?

Cette différence entre nous deux tenait sans doute à notre caractère et à notre nature, mais aussi à notre origine, à notre race.

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