Читаем Sans famille полностью

— Tu ne veux pas que je dise cela : je t’assure que ce n’est pas ma faute, mais il m’est impossible d’admettre une seule minute que tu es de la famille Driscoll ; regarde tous les membres de cette famille et regarde-toi un peu ; ce n’est pas seulement des cheveux filasse que je parle ; est-ce que tu as le mouvement de main du grand-père et son sourire ? as-tu eu jamais l’idée de regarder les étoffes à la lumière de la lampe comme master Driscoll ? est-ce qu’il t’est jamais arrivé de te coucher les bras étendus sur une table ? et comme Allen ou Ned, as-tu jamais appris à Capi l’art de rapporter des bas de laine qui ne sont pas perdus ? Non, mille fois non ; on est de sa famille ; et si tu avais été un Driscoll, tu n’aurais pas hésité à t’offrir des bas de laine quand tu en avais besoin et que ta poche était vide, ce qui s’est produit plus d’une fois pour toi : qu’est-ce que tu t’es offert quand Vitalis était en prison ? crois-tu qu’un Driscoll se serait couché sans souper ? Est-ce que si je n’étais pas le fils de mon père je jouerais du cornet à piston, de la clarinette, du trombone ou de n’importe quel instrument, sans jamais avoir appris : mon père était musicien, je le suis. C’est tout naturel : toi, il semble tout naturel que tu sois un gentleman, et tu en seras un quand nous aurons retrouvé madame Milligan.

— Et comment cela ?

— J’ai mon idée.

— Veux-tu la dire, ton idée ?

— Oh ! non.

— Parce que ?

— Parce que si elle est bête…

— Eh bien ?

— Elle serait trop bête si elle était fausse ; et il ne faut pas se faire des joies qui ne se réalisent pas ; il faut que l’expérience du green de ce joli Bethnal nous serve à quelque chose ; en avons-nous vu des belles prairies vertes, qui dans la réalité n’ont été que des mares fangeuses.

Je n’insistai pas, car moi aussi j’avais une idée.

Il est vrai qu’elle était bien vague, bien confuse, bien timide, bien plus bête, me disais-je, que ne pouvait l’être celle de Mattia, mais précisément par cela même je n’osais insister pour que mon camarade me dît la sienne : qu’aurais-je répondu si elle avait été la même que celle qui flottait indécise comme un rêve dans mon esprit ? Ce n’était pas alors que je n’osais pas me la formuler, que j’aurais eu le courage de la discuter avec lui.

Il n’y avait qu’à attendre, et nous attendîmes.

Tout en attendant, nous continuâmes nos courses dans Londres, car nous n’étions pas de ces musiciens privilégiés qui prennent possession d’un quartier où ils ont un public à eux appartenant : nous étions trop enfants, trop nouveaux-venus pour nous établir ainsi en maîtres, et nous devions céder la place à ceux qui savaient faire valoir leurs droits de propriété par des arguments auxquels nous n’étions pas de force à résister.

Combien de fois, au moment de faire notre recette et après avoir joué de notre mieux nos meilleurs morceaux, avions-nous été obligés de déguerpir au plus vite devant quelque formidables Écossais aux jambes nues, au jupon plissé, au plaid, au bonnet orné de plumes qui, par le son seul de sa cornemuse, nous mettait en fuite : avec son cornet à piston Mattia aurait bien couvert le bagpipe, mais nous n’étions pas de force contre le piper.

De même nous n’étions pas de force contre les bandes de musiciens nègres qui courent les rues et que les Anglais appellent des nigger-melodits ;ces faux nègres qui s’accoutrent grotesquement avec des habits à queue de morue et d’immenses cols dans lesquels leur tête est enveloppée comme un bouquet dans une feuille de papier, étaient notre terreur plus encore que les bardes écossais : aussitôt que nous les voyions arriver, ou simplement quand nous entendions leurs banjo, nous nous taisions respectueusement et nous nous en allions loin de là dans un quartier où nous espérions ne pas rencontrer une autre de leurs bandes ; ou bien nous attendions, en les regardant, qu’ils eussent fini leur charivari.

Un jour que nous étions ainsi leurs spectateurs, je vis un d’entre eux et le plus extravagant, faire des signes à Mattia ; je crus tout d’abord que c’était pour se moquer de nous et amuser le public par quelque scène grotesque dont nous serions les victimes, lorsqu’à ma grande surprise Mattia lui répondit amicalement.

— Tu le connais donc ? lui demandai-je.

— C’est Bob.

— Qui ça, Bob ?

— Mon ami Bob du cirque Gassot, un des deux clowns dont je t’ai parlé, et celui surtout à qui je dois d’avoir appris ce que je sais d’anglais.

— Tu ne l’avais pas reconnu ?

— Parbleu ! chez Gassot il se mettait la tête dans la farine et ici il se la met dans le cirage.

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