Читаем Sept jours pour une éternité… полностью

La vie de Jules Minsky, statisticien et féru de mathématiques appliquées, se résumait pourtant en une arithmétique très imparfaite: addition de weekends passés sur des dossiers au détriment de sa propre vie; division subie au profit du pouvoir de ceux qui l'employaient (on était fier de travaIller pour eux, on formait une grande famille où chacun avait son rôle à jouer à condition de tenir sa place); multiplication d'humiliations et d'idées ignorées par quelques autorités illégitimes aux pouvoirs inégalement acquis; soustraction, enfin, du droit de finir sa carrière dans la dignité. Semblable à la quadrature du cercle, l'existence de Jules se réduisait à une équation d’insolubles iniquités.

Au cours de son enfance, Jules aimait à traîner près de la décharge de ferraille où une presse immense compressait les carcasses des vieilles voitures. Pour chasser les solitudes qui hantèrent ses nuits, il avait souvent imaginé la vie du jeune cadre nanti qui avait ruiné la sienne en 1'«évaluant» bon pour la casse. Ses cartes de crédit s'étaient effacées à l'automne, son compte en banque n'avait pas survécu à l'hiver, il avait quitté sa maison au printemps. L'été suivant, il avait sacrifié un immense amour en emportant sa fierté dans un dernier voyage. Sans même s'en rendre compte, le dénommé Jules Minsky, cinquante-huit ans, était revenu élire domicile non fixe sous l'arche n°7 du quai 80 du port marchand de San Francisco. Il pourrait bientôt y fêter dix années de belles étoiles. Il se plaisait à raconter à qui pouvait l'entendre que, le jour de son grand départ, il ne s'était vraiment rendu compte de rien.

Zofia avisa la cicatrice qui suintait sous l'accroc du pantalon en tweed au motif prince-de-galles.

– Jules, vous devez aller faire soigner cette jambe!

– Ah, ne recommence pas, s'il te plaît, elle va très bien ma jambe!

– Si on ne nettoie pas cette plaie, elle sera gangrenée dans moins d'une semaine et vous le savez très bien!

– J'ai déjà vécu la pire des gangrènes, ma jolie, alors une de plus, une de moins! Et puis, depuis le temps que je demande à Dieu de venir me rechercher, il faut bien que je le laisse faire. Si je me soigne à chaque fois que j'ai quelque chose de travers, à quoi ça sert d'implorer de partir de cette foutue terre! Alors tu vois, ce bobo, c'est mon ticket gagnant pour l'ailleurs.

– Qui vous met des idées aussi stupides dans la tête?

– Personne, mais il y a un jeune gars qui traîne par ici et qui est tout à fait d'accord avec moi. J'aime bien discuter avec lui. Quand je le vois, c'est mon reflet dans un miroir passé. Il s'habille avec le même genre de costume que ceux que je portais avant que mon tailleur n'ait le vertige en découvrant les abîmes de mes poches. Je lui prêche la bonne parole, lui la mauvaise, on fait un peu de troc, tu vois, et moi je me distrais.

Ni mur ni toit, personne à haïr, pas plus de nourriture devant la porte que de barreaux qu'on rêverait de scier… La condition de Jules Minsky avait été pire que celle d'un prisonnier. Rêver pouvait devenir un luxe quand on luttait pour sa survie. Le jour, il fallait chercher de la nourriture dans les décharges, l'hiver, marcher sans cesse pour lutter contre l'alliance mortelle du sommeil et du froid.

– Jules, je vous conduis au dispensaire!

– Je croyais que tu travaillais à la sécurité du port, pas à l'Armée du Salut!

Zofia tira de toutes ses forces sur le bras du clochard pour l'aider à se relever. Il ne lui facilita pas la tâche mais finit bon gré mal gré par l'accompagner jusqu'à sa voiture. Elle lui ouvrit la portière, Jules passa sa main dans sa barbe, hésitant. Zofia le regarda, silencieuse. Les rides magnifiques autour de ses prunelles azur composaient les fortins d'une âme riche d'émotions. Autour de sa bouche épaisse et souriante se dessinaient d'autres calligraphies, celles d'une existence où la pauvreté n'était que celle de l'apparence.

– Ça ne va pas sentir très bon dans ton carrosse. Avec cette foutue guibole, je n'ai pas pu aller jusqu'aux douches ces derniers jours!

– Jules, si l'on dit que l'argent n'a pas d'odeur, pourquoi un peu de misère en aurait-elle? Arrêtez de discuter et montez!

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